Le Mondial 2019 en Allemagne et au Danemark assiste au lancement de la fusée Melvyn Richardson. / ANNEGRET HILSE / REUTERS

La ville de Cologne n’est pas vraiment réputée pour ses jardins. A la fin du XIXe siècle, un jardin botanique fut bien aménagé dans la cité rhénane, mais sa renommée se borne à son quartier. Dans la ville célèbre pour ses eaux de parfum, Melvyn Richardson, lui, s’est aménagé un nouveau jardin : la bouillante arène hébergeant les rencontres du Mondial de handball. Il y avait brillé au printemps 2018, portant son club de Montpellier au sommet du handball européen. Il y poursuit ses œuvres.

« Que voulez-vous, il y a des joueurs de trente ans qui, à sa place, auraient les chocottes, philosophe Nikola Karabatic, le leader « historique » de l’équipe de France. Et il y a les jeunes, comme lui, qui, à 21 ans, ont gagné la Ligue des champions et assurent. »

Dix-septième homme de la liste initiale de Didier Dinart - seize joueurs disputent les rencontres -, le jeune homme a convaincu son entraîneur de l’intégrer au groupe dès le troisième match de la compétition.

Après un premier tir raté, contre la Russie, Melvyn Richardson a depuis enchaîné un sans-faute, treize buts en trois matchs, dont quatre ayant enterré les espoirs de l’Espagne, samedi 19 janvier.

S’il ne manque jamais de distinguer ses joueurs ayant brillé, Didier Dinart demeure d’ordinaire mesuré dans ses propos. Avec son jeune joueur - il célébrera ses 22 ans le 31 janvier -, le « Roc » est plus prolixe.

« Ce soir, un nouveau grand demi-centre a vu le jour, martelait-il au sortir de France - Espagne. Melvyn a été exceptionnel, je suis fier de lui ce soir, il a vraiment répondu présent à cette sollicitation. »

Un « gagneur d’espace », comme son père

Les attentes étaient hautes, car le numéro 9 français n’est pas n’importe qui. Fils de Jackson Richardson, la première star du handball français dans les années 1990 et au début des années 2000, le jeune homme baigne dans ce milieu depuis qu’il a vu le jour.

« J’ai eu une émotion particulière, admet Didier Dinart, qui, à la fin du match, a sauté sur le fils de son ancien partenaire, prenant sa tête entre ses larges mains pour lui hurler sa joie. Je me souviens de lui en 2003, on nous avait invités avec son père aux play-off de la Guadeloupe et Melvyn faisait des petits châteaux dans le sable. »

Partenaire de Jackson Richardson en Bleu, Didier Dinart entraîne désormais son fils, Melvyn, en équipe de France. / PATRIK STOLLARZ / AFP

S’il montrait la même dextérité avec une pelle et un seau que balle en main, les créations du jeune gaucher - un plus au handball - devaient valoir le coup d’œil. « Melvyn, c’est un gagneur d’espace, comme son père », résume le Directeur technique national (DTN), Philippe Bana.

Mais là où Jackson s’est construit par la défense, son fils est d’abord un joueur offensif. « Il a une capacité de pénétration, à prendre un intervalle pour faire bouger les choses, le tout dans une innovation permanente. »

Cocktail de maturité et de décontraction, le jeune joueur n’esquive jamais lorsque - c’est presque systématique - la question de son père est abordée. « Je fais le même sport que celui dans lequel il a brillé, c’est normal qu’on m’interroge sur lui. »

Pour l’enfant qu’il était, la vie de son handballeur de père a souvent correspondu à de longues absences pour cause de déplacements. Ce qui ne l’a pas empêché d’attraper le virus.

« Quand l’entraînement était fini, il faisait encore des tirs tout seul, à s’amuser avec ses potes, à faire des roucoulettes », se souvient Bertrand Patchoud, son entraîneur au centre de formation de Chambéry qui a vu débarquer « ce bonhomme au physique longiligne, qui avait des dreads, toujours le sourire, et qui volait ». Si les dreadlocks ont disparu, le reste de la description tient toujours.

Même s’il en a fait son métier - il vient de resigner pour deux ans à Montpellier -, Melvyn Richardson ne manque jamais de rappeler que le handball est d’abord un jeu. Et un sport collectif, ramenant sa réussite à la façon dont l’équipe l’a « très vite mis à l’aise, ce qui m’a permis de bien assimiler les automatismes. »

Insensible à la pression

« Il nous apporte sa vivacité et son orgueil », assure Kentin Mahé, qui, comme l’ensemble des entraîneurs et des coéquipiers du jeune montpelliérain est formel : Melvyn Richardson est insensible à la pression.

« Je fais du handball pour vivre ce genre ce genre de moments, dans des salles pleines avec une super ambiance », sourit le nouveau de la bande bleue, qui a tout gagné chez les jeunes avec sa « génération dorée » (1996-1997).

Melvyn Richardson évolue depuis son enfance en marge des Bleus. « Je le revois tout gamin, aux Jeux olympiques d’Athènes (2004), accroché à un arbre du club France, se remémore Philippe Bana. Il avait un maillot bleu, et venait voir son père, capitaine de l’équipe de France olympique. Et avec Jack on essayait de le faire descendre de l’arbre. Quand j’y repense, c’est un peu surréaliste de le voir ici aujourd’hui. »

Qualifiés pour les demi-finales du Mondial, les Bleus auront besoin du petit dernier pour prolonger l’aventure. Une épreuve dans laquelle l’ancien Barjot - et parrain de Melvyn -, Patrick Cazal, espérait, à son entame, que Richardson puisse avoir sa chance, « tellement il domine son sujet depuis le début de la saison. »

Prémonitoire, l’entraîneur de Dunkerque assurait que « cette compétition, s’il a l’occasion de jouer, peut définitivement consacrer Melvyn comme l’un des tout meilleurs à son poste. »

S’il semble trop tôt pour fixer le bondissant jeune homme dans la hiérarchie du handball mondial, la comète Richardson est sur orbite, et ne semble pas prête d’interrompre sa progression.

« Je ne lui vois aucune limite », s’exclame Bertrand Patchoud. Vendredi à Hambourg, l’adversaire des Bleus en demi-finale devra tenir compte de l’envol du fils prodige.