Emmanuel Macron face à un « gilet jaune » lors d’un débat local à Bourg-de-Péage (Drôme), le 24 janvier 2019. / EMMANUEL FOUDROT / REUTERS

Entre le débat national, la liste aux élections européennes et la contre-offensive des « foulards rouges »… Les « gilets jaunes » abordent « l’acte XI » de leur mouvement, tiraillés par des querelles internes et des questionnements, mais déterminés à afficher leur solidité face à l’exécutif.

Il est vrai qu’ils ont montré, les semaines passées, leur force de résilience. Après une baisse pendant les fêtes, la contestation avait rebondi le samedi 5 janvier, avec 50 000 manifestants, puis 84 000 le 12 janvier et autant le 19 janvier, selon le ministère de l’intérieur. Ces chiffres sont toutefois bien deçà de ceux du premier samedi de mobilisation, au cours duquel les « gilets jaunes » étaient plus de 280 000 à travers la France. Reste que, pour l’heure, le débat national lancé par Emmanuel Macron le 15 janvier n’a pas permis de canaliser deux mois de colère sociale.

  • Première « nuit jaune » ?

Comme lors des précédents « actes », plusieurs mobilisations sont prévues dans la capitale, dont une marche déclarée à la préfecture reliant les Champs-Elysées et la place de la Bastille en passant par l’Assemblée nationale et Bercy, et une autre entre les places de la Nation et de la Bastille avec « une petite surprise à Benjamin Griveaux ».

Mais pour contrer la séquence du grand débat, les « gilets jaunes » cherchent à renouveler leurs actions. Ce nouvel acte pourrait être ainsi marqué par la première « nuit jaune », dont l’idée a été relayée par Eric Drouet, l’une des figures du mouvement. « Il faut garder les manifestations déclarées, pour les personnes fragiles qui ont besoin d’être en sécurité et avoir autre chose à côté », a-t-il expliqué, esquissant les contours d’une « nuit jaune » qui ferait de la place de la République un « rond-point géant » jusqu’à la fin du grand débat, sur le modèle des rassemblements citoyens de Nuit debout en 2016.

Le collectif La France en colère de Priscillia Ludosky, qui a rompu avec Eric Drouet, organise également une « marche solidaire aux “gilets jaunes” des territoires éloignés » samedi après-midi, entre le ministère des outre-mer et le siège parisien de Facebook.

A Bordeaux et à Toulouse – places fortes de la mobilisation –, les autorités redoutent des débordements après les spectaculaires violences des dernières semaines.

  • Elections européennes, grand débat : des choix qui divisent

Cette semaine a été marquée par de nouvelles divisions internes, après l’annonce de la création, par les « gilets jaunes » Ingrid Levavasseur et Hayk Shahinyan, d’une liste Rassemblement d’initiative citoyenne aux européennes de mai.

Eric Drouet, qui revendique le caractère « apolitique » du mouvement, s’est insurgé contre une « récupération abjecte », tout comme de nombreux autres « gilets jaunes ». « Ça m’inspire du mépris, du dégoût. Notre plus grande force, c’est la désorganisation, on ne doit pas faire de politique », lâche Luc Benedetti, pizzaïolo marseillais et « gilet jaune » de la première heure. « Si le mouvement des gilets jaunes remet en question le système, notamment celui mis en place par l’Europe, ce n’est pas pour en faire partie », souligne, de son côté, le Lyonnais Yacine Boulaiki.

« Nous devons nous structurer quoi qu’il advienne », s’est défendue Ingrid Levavasseur, qui dit subir un « déferlement de haine sur les réseaux sociaux » et a précisé que, de ce fait, elle ne manifesterait pas samedi.

Le grand débat lancé par l’exécutif crée également des remous. Eric Drouet et son collectif La France en colère !!! refusent d’y participer, tandis que Priscillia Ludosky a formulé des propositions pour y contribuer et faire naître « un nouveau souffle démocratique », dans une lettre ouverte signée par une centaine d’élus locaux et de militants associatifs. Ils demandent notamment la création d’un « observatoire » des débats et d’une « assemblée citoyenne » qui ferait des propositions donnant lieu à un « référendum à choix multiples » à l’issue des consultations.

  • Des « foulards rouges » accusés de manipulation

Au lendemain de « l’acte XI », les « foulards rouges » – mouvement créé à la fin novembre pour dénoncer les blocages et les violences – défileront dimanche à Paris dans une « marche républicaine des libertés » pour faire entendre « la majorité silencieuse » et défendre « la démocratie et les institutions ».

« Ils ont le droit de s’exprimer », mais « ils défendent leurs patrons » et « on sait que ce mouvement est piloté par Macron. On verra combien ils sont », lance Hervé Giacomini, « gilet jaune » de l’Aube. « Les foulards rouges, on sait très bien qu’ils sont pro-LRM [La République en marche]», renchérit Céline Lang, une « gilet jaune » de Meurthe-et-Moselle.

Mais pour certains, comme Yves Garrec, « gilet jaune » et « foulard rouge » ne sont pas forcément incompatibles. « Je suis à 100 % avec eux, car j’ai toujours été contre toute forme de violences dans les manifestations », affirme ce gérant d’une entreprise de VTC à Toulouse.

Dans plusieurs villes, des chaînes humaines de « gilets jaunes » sont organisées le même jour.

Evolution de la mobilisation des « Gilets jaunes » chaque samedi depuis le 17 novembre 2018. / Le Monde