A Caracas, le 23 janvier. / LUIS ROBAYO / AFP

Saluée par certains, dénoncée par d’autres, embarrassante pour les troisièmes. La décision du chef du Parlement vénézuélien, Juan Guaido, de s'autoproclamer, mercredi 24 janvier, président par « intérim » du pays, a provoqué des réactions contradictoires à l’international.

Si le leader de l’opposition à Nicolas Maduro a reçu immédiatement le soutien des Etats-Unis et de nombreux pays d’Amérique latine, le dirigeant chaviste peut, lui, compter sur l’appui de ses alliés traditionnels, notamment la Chine et la Russie.

  • Les soutiens à Juan Guaido

« Aujourd’hui, je reconnais officiellement le président de l’Assemblée nationale vénézuélienne, Juan Guaido, comme président par intérim du Venezuela », a ainsi affirmé le président des Etats-Unis Donald Trump, presque immédiatement après la déclaration de M. Guaido.

Une décision imitée par le Brésil, mais aussi par le Canada, la Colombie, l’Argentine, le Chili, le Costa Rica, le Guatemala, le Honduras, Panama, le Paraguay et le Pérou, membres du « groupe de Lima », qui a été créé en 2017 pour promouvoir une sortie pacifique de la crise au Venezuela.

« Nous sommes convaincus que le mal nommé président Maduro fait partie du problème et non de la solution », a ainsi réagi le président chilien Sebastian Pinera. « Nous voulons que les Vénézuéliens retrouvent la démocratie », a abondé le ministre des affaires étrangères argentin Jorge Faurie.

« Nous appuyons son engagement à conduire le Venezuela à des élections présidentielles libres et équitables », a écrit la cheffe de la diplomatie canadienne Chrystia Freeland à propos de Juan Guaido.

A Caracas, le 24 janvier. / Fernando Llano / AP

Jeudi, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a appelé l’Organisation des Etats américains (OEA) à reconnaître Juan Guaido comme « président par intérim », sans toutefois obtenir l’unanimité des 34 pays membres actifs de cette institution.

« Le temps du débat est terminé. Le régime de l’ancien président Nicolas Maduro est illégitime. Son régime est en état de faillite morale, incompétent en matière économique et profondément corrompu et non démocratique », a martelé le chef de la diplomatie américaine.

« Tous les Etats membres de l’OEA doivent prendre le parti de la démocratie et du respect de l’Etat de droit », a-t-il argué. Luis Almagro, secrétaire général de l’OEA, avait félicité mercredi Juan Guaido, mais en son nom propre.

  • Les soutiens à Nicolas Maduro

Sur le continent, le Mexique, la Bolivie et Cuba ont, eux, maintenu leur soutien à Nicolas Maduro. en marge de la réunion de l’OEA, jeudi, le représentant mexicain, Jorge Lomonaco, a ainsi demandé que soit précisé le « statut juridique » de Juan Guaido.

« Conformément à ses principes constitutionnels de non-ingérence (…), le Mexique ne participera pas au processus consistant à ne plus reconnaître le gouvernement d’un pays avec lequel il maintient des relations diplomatiques », avait ainsi expliqué le ministère des affaires étrangères.

« Notre soutien et solidarité au président Nicolas Maduro devant les tentatives impérialistes pour discréditer et déstabiliser la Révolution bolivarienne », avait, de son côté, écrit sur Twitter le président cubain Miguel Diaz-Canel. Son chef de la diplomatie, Bruno Rodriguez, avait lui clairement dénoncé une « tentative de coup d’Etat ».

Un sentiment partagé par le chef de l’Etat bolivien, qui a estimé sur Twitter : « Nous désignons les États-Unis comme coupables d’avoir promu un coup d’Etat et un affrontement fratricide entre Vénézuéliens. En démocratie, ce sont les peuples libres qui élisent leur président, pas l’empire. »

A Caracas, le 24 janvier. / YURI CORTEZ / AFP

Lors d’un entretien téléphonique avec M. Maduron le président russe Vladimir Poutine, a quant à lui, « exprimé son soutien aux autorités légitimes du Venezuela dans les conditions de l’aggravation d’une crise politique, provoquée de l’extérieur ». « Frère Maduro, garde la tête haute, la Turquie se tient à vos côtés », a affirmé le président turc Recep Tayyip Erdogan à son homologue vénézuélien lors d’un appel avec le dirigeant chaviste.

« La Chine a toujours appliqué le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays et est opposée aux ingérences extérieures dans les affaires du Venezuela », a, réagi de son côté Pékin.

  • Maduro jugé illégitime, mais Guaido pas reconnu

C’est en Europe que la tentative de renversement de Nicolas Maduro semble avoir causé le plus d’embarras, les responsables politiques plaidant en faveur de l’instauration d’un processus démocratique, sans officiellement adouber M. Guaido.

« L’UE appelle à l’ouverture immédiate d’un processus politique débouchant sur des élections libres et crédibles », a ainsi fait valoir la Haute représentante de l’Union européenne, Federica Mogherini. « Contrairement à Maduro, l’Assemblée parlementaire, y compris Juan Guaido, a un mandat démocratique des citoyens vénézuéliens », a tweeté le président du Conseil européen, Donald Tusk, dont la réaction figure parmi les plus tranchée sur le Vieux continent.

« Après l’élection illégitime de Nicolas Maduro en mai 2018, l’Europe soutient la restauration de la démocratie. Je salue le courage des centaines de milliers de Vénézuéliens qui marchent pour leur liberté », a écrit le président de la République française Emmanuel Macron sur le même réseau social. Pour le ministre des affaires étrangères britannique, Jeremy Hunt, Nicolas Maduro « n’est pas le dirigeant légitime du Venezuela ». Sans reconnaître officiellement M. Guaido comme dirigeant officiel, il a néanmoins estimé qu’il était « la bonne personne pour faire avancer le pays ».

« Nous devons éviter que les choses empirent et ceci exige sans aucun doute un processus d’intervention pour garantir l’unique sortie possible que sont des élections », a affirmé le chef de la diplomatie espagnol Josep Borrell. « Pour résoudre la crise politique, le gouvernement doit prendre l’initiative d’un processus politique dont l’objectif est une élection libre et crédible », a déclaré la ministre des affaires étrangères norvégienne Ine Eriksen Søreide.

« Nous espérons que le dialogue soit possible pour éviter une escalade menant à un conflit qui serait un désastre pour la population du pays et pour la région », a fait valoir de son côté le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres. « Nous souhaitons qu’il y ait une solution pacifique », a insisté la Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet. De son côté, le pape François « soutient tous les efforts visant à éviter que d’autres souffrances ne soient infligées » aux Vénézuéliens.

Venezuela : le point sur la crise politique
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