Le pouvoir camerounais accuse l’opposition de vouloir déstabiliser le pays où de nouvelles manifestations d’opposants, qui contestent la réélection du président Paul Biya, ont conduit à une centaine d’interpellations au Cameroun où il règne en maître absolu depuis 36 ans.

Protestation contre Paul Biya (Photo by Brendan Smialowski / AFP) / BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

A Paris, une cinquantaine de manifestants camerounais ont envahi samedi soir l’ambassade du Cameroun, saccageant notamment des portraits du chef de l’Etat. Une correspondante de la télévision d’Etat camerounaise a été « sauvagement prise à partie » par les manifestants, a indiqué dimanche la CRTV.

Au Cameroun, 117 personnes ont été interpellées samedi lors de marches non autorisées qui ont réuni des centaines de personnes dans plusieurs villes du pays, ont annoncé les autorités dans un communiqué obtenu dimanche.

Ces interpellations ont eu lieu lors de manifestations organisées par le parti de Maurice Kamto, ancien candidat à l’élection présidentielle du 7 octobre qui ne reconnaît pas le résultat officiel validé par le Conseil constitutionnel.

Les autorités dénoncent une « tentative de déstabilisation »

« Au moment où le Cameroun s’achemine résolument vers son émergence, tout doit être et sera fait pour préserver la paix et la stabilité », a averti le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi cité par la télévision d’Etat dimanche. Depuis le scrutin, plusieurs manifestations non autorisées ont été organisées par le MRC contre ce qu’il qualifie de « hold-up électoral ».

L’ex-candidat du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) revendique en effet la victoire après être officiellement arrivé deuxième dans les urnes (14,23 % des suffrages) derrière Paul Biya, 85 ans, réélu (71,2 %) pour un septième mandat consécutif. « Il faut continuer, ne pas s’arrêter, et faire comprendre aux gens qu’il faut descendre dans la rue contre Biya, comme hier ! », a déclaré dimanche Rod, 32 ans, un militant du MRC.

« On prend les Camerounais pour des idiots, il ne faut pas mener un peuple à bout comme ça », affirmait samedi soir l’un des manifestants camerounais à Paris, Daniel Essissima, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.

Toutes les manifestations organisées par l’opposition depuis octobre ont donné lieu à de nombreuses arrestations. Peu de militants arrêtés ont toutefois été déférés, la plupart étant relâchés au terme de leur garde à vue.

Samedi, un important déploiement des forces de l’ordre était visible à Yaoundé et à Douala, les capitales politique et économique du Cameroun. Plusieurs personnalités publiques ont été arrêtées samedi, dont Paul-Eric Kingue, l’ancien directeur de campagne de Maurice Kamto, ainsi que plusieurs avocats renommés du MRC.

Yaoundé a plusieurs fois tenté de dissuader le camp Kamto de continuer sa lutte, affirmant qu’une « ligne rouge » avait été dépassée ou que le chef de file du MRC se mettait « hors-la-loi » en n’acceptant pas les résultats.

Interpellations et échauffourées

Mais si les cadres du MRC ont été interpellés à plusieurs reprises, Maurice Kamto n’a, lui, jamais été arrêté depuis l’élection. A Douala, « quelques échauffourées » ont eu lieu samedi suite à l’attitude « particulièrement agressive » de « quelques participants » à la marche, selon le ministère de la Communication.

Selon des militants du MRC, « plusieurs personnes ont été blessées par balle à Douala ». « Aucun coup de feu à balles réelles n’a été tiré », a affirmé le ministère samedi soir.

Des photos d’au moins trois personnes blessées, dont une avocate renommée du parti, Me Michèle Ndoki, ont circulé sur les réseaux, sans qu’il soit possible de déterminer si leurs blessures étaient dues à des tirs de balles réelles. « Six blessés ont été enregistrés », selon le ministère.

Dans un communiqué, le bâtonnier camerounais, Me Charles Tchakoute Patie, a « dénoncé et condamné tout usage disproportionné de la force publique à l’égard d’une population civile ». Depuis 1982, Paul Biya règne en maître absolu au Cameroun, où il a tout verrouillé pour assurer son maintien à la tête du pays, s’appuyant sur l’administration et sur un parti-Etat, le RDPC, qu’il a créé en 1985.