Venezuela : le point sur la crise politique
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Au Venezuela, les tensions ne sont pas retombées après une semaine d’une crise politique majeure. Selon un dernier bilan fourni lundi 28 janvier par plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), les manifestations contre le président Nicolas Maduro se sont soldées par la mort d’au moins 35 personnes, et l’arrestation de 850 manifestants.

« Nous avons le chiffre vérifié, avec le prénom, le nom, l’endroit et les responsables présumés, de 35 personnes assassinées dans le cadre des manifestations », a déclaré Rafael Uzcategui, le directeur de l’ONG Provea au cours d’une conférence de presse à Caracas. M. Uzcategui a également dénoncé huit « exécutions illégales » en marge de ces manifestations, pendant des opérations policières dans des quartiers populaires. Il a accusé des agents des FAES (Forces policières d’actions spéciales) d’en être responsables.

Ultimatum des Européens

La crise politique dans ce pays pétrolier, ruiné après avoir été l’Etat le plus riche d’Amérique latine, s’est intensifiée en une semaine. Le chef de l’Etat vénézuélien, Nicolas Maduro, est mis sous pression par son opposant Juan Guaido, qui s’est autoproclamé président et appelle à manifester de nouveau cette semaine.

Six pays européens (Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni, Portugal, Pays-Bas) ont donné à Nicolas Maduro jusqu’à dimanche pour convoquer des élections, faute de quoi ils reconnaîtront Juan Guaido comme président. L’Union européenne, quant à elle, « prendra des mesures » si des élections ne sont pas convoquées « dans les prochains jours », y compris concernant « la reconnaissance du leadership » dans le pays. Jusqu’à présent, Nicolas Maduro se montre inflexible et rejette l’ultimatum des Européens.

Le bolivar dévalué

Pour tenter de reprendre l’avantage, le gouvernement a dévalué lundi sa monnaie, le bolivar, de 34,83 %, pour l’aligner sur le taux pratiqué sur le marché noir, pourtant combattu par le gouvernement de Nicolas Maduro. Avec la mise en place d’un nouveau système de change, le taux a été fixé à 3 200 bolivars pour un dollar.

Cette annonce marque un grand changement alors que le gouvernement socialiste impose un strict contrôle des changes et des devises depuis 2003, ce qui complique l’accès des particuliers et des entreprises aux dollars. Beaucoup ont donc recours au marché noir, où le taux du dollar était parfois trente fois plus élevé que le taux officiel, alors que le gouvernement surévaluait artificiellement le bolivar.

Les experts recommandaient depuis des années de mettre fin à ce contrôle des changes afin de pouvoir lutter contre la grave crise économique qui frappe le pays, avec une inflation attendue à 10 000 000 % par le FMI en 2019 et de graves pénuries d’aliments et de médicaments.

Des membres de la garde nationale bolivienne, dimanche 27 janvier, à Caracas. / YURI CORTEZ / AFP

Craintes d’un « bain de sang »

Mais il y a peu de chances que cette mesure suffise à calmer l’opposition. Juan Guaido, député de droite de 35 ans et président du Parlement, appelle à défiler à nouveau mercredi, « pour exiger des forces armées qu’elles se mettent du côté du peuple », puis samedi, « pour accompagner le soutien de l’Union européenne et l’ultimatum ». Le pape François a dit lundi redouter un « bain de sang ».

Les racines de la crise remontent à fin 2015, quand l’opposition avait infligé au chavisme la pire défaite de son histoire aux élections législatives. Elle avait pris la majorité du Parlement mais, très vite, Nicolas Maduro avait répliqué avec une Assemblée constituante – uniquement composée de ses partisans –, qui a confisqué la plupart des prérogatives des députés. L’opposition a boycotté l’élection présidentielle de mai 2018 et considère le second mandat remporté par Maduro comme frauduleux.