« La culture ne peut pas se développer seule ». Lors du Salon professionnel international des musées (Sitem), dont l’édition 2019 s’est tenue du 22 au 24 janvier à Paris, la directrice du Musée Louvre-Lens (Pas-de-Calais), Marie Lavandier, a rappelé l’importance pour la culture et le tourisme de travailler main dans la main : « Les musées ne sont plus des acteurs isolés. Ils sont un lien avec le territoire ».

Restauration, hôtels et commerces locaux ont un impact sur le rayonnement des
institutions culturelles, et sur leur affluence. L’inverse est également vrai. A Lens, l’ouverture du musée, en décembre 2012, a profondément transformé le paysage économique et touristique de l’ancien bassin minier. L’heure est au décloisonnement de la culture, et les professionnels l’ont bien compris. Applications ludiques, projections artistiques, partenariats territoriaux, les exposants du Sitem ont pris la mesure de cette tendance et rivalisent d’ingéniosité pour la développer.

Le succès du « mapping »

Nombreux sont ceux qui misent sur le divertissement. L’atelier Athem valorise ainsi le patrimoine grâce au mapping, une scénographie ambitieuse et innovante qui consiste à projeter des images sur des structures ou des monuments. Ces spectacles lumineux attirent un public toujours plus large et dynamisent ainsi l’offre culturelle des villes, comme à Lyon ou Strasbourg.

D’autres start-ups misent sur l’expérience numérique et immersive de la culture. Créée à Lille en 2017, Augmenteo propose des escape games digitaux et des jeux de piste connectés. Le dernier succès de la start-up lilloise vient de s’achever au musée de l’armée à Paris, un jeu immersif basé sur la série vidéo Assassin’s Creed. Développé en partenariat avec l’agence Cultival et Ubisoft, le jeu a suscité un tel enthousiasme que le musée a reconduit l’événement en décembre 2018. A présent, Augmenteo développe une nouvelle application, Luditour, qui permettra de (re)découvrir une ville au gré d’énigmes et de circuits originaux. L’objectif est de promouvoir la culture locale en renouvelant la découverte touristique.

Utilisation de la « data »

Pour mettre en place ces stratégies de développement décloisonné, les institutions et opérateurs culturels se dotent d’outils de chiffrage et d’analyse de données. Deux axes se dégagent : l’utilisation de la « data » en amont de la programmation, pour cibler de potentiels usagers et, en aval, pour évaluer son impact, par exemple en termes de fréquentation.

Plusieurs start-ups se positionnent sur la question du profilage des données. Arenametrix, par exemple, créée en 2015, se présente comme une plateforme de management des clients et d’optimisation des revenus de billetterie. L’idée est simple : Arenametrix croise les fichiers clients des institutions qui font appel à elle (Domaine de Chantilly, Culturespaces) avec les informations par ailleurs accessibles sur les réseaux sociaux et isole ainsi les profils qui ont le plus fort taux de réponse aux activités proposées. Elle lance ensuite des campagnes de publicité en direction de ces profils. Le but est d’accroître la reconnaissance et la fréquentation d’un lieu, mais aussi de la prévoir et d’optimiser les recettes et les besoins de financement.

Deux start-up récompensées

En aval, la pratique de l’évaluation d’impact commence à se répandre. Le Louvre-Lens est pionnier en la matière, avec Euralens, plateforme d’intelligence collective qui collecte les données de fréquentation mais aussi d’emplois créés et les analyse. Cette initiative a permis de montrer que le programme lancé en partenariat avec Pôle Emploi, qui consistait à insérer des jeunes éloignés du monde du travail dans les équipes de médiation du musée, permettait d’augmenter de 20 % leur accès à l’embauche.

JeFile à Notre Dame de Paris
Durée : 02:53

Autant de chiffres positifs qui confortent l’approche décloisonnée adoptée par les acteurs du secteur et que l’année 2019 devrait encore voir se renforcer. Pour encourager ces initiatives, le Sitem a récompensé deux start-up : la société Intuitart, spécialisée dans la réalité augmentée, et l’application JeFile qui permet d’éviter les files d’attente. Ce palmarès autour de la « gamification » (rendre ludique une visite) et de la gestion digitale de l’affluence souligne l’importance des approches décloisonnées et analytiques.

L’accessibilité des personnes handicapées

Si les nouveaux outils numériques ont le vent en poupe, l’humain demeure cependant au cœur des préoccupations muséales. Alice Charbonnier, organisatrice du salon, a notamment souligné le retour d’une question qui s’était un peu effacée ces dernières années, celle de l’accessibilité. Plusieurs stands évoquaient cet aspect.

L’association Action Handicap France, depuis plusieurs années présente sur le salon, mène une politique active dans le champ de l’éducation des professionnels des musées, pour les sensibiliser à l’accueil du public handicapé. Tyresias, de son côté, propose des services d’audit et de conseil sensoriels : des testeurs déficients visuels évaluent l’accessibilité d’un site culturel et proposent une stratégie d’amélioration.

Xavier Bourgine et Phœbé Humbertjean