Touché aux ligaments du genou, le gardien français Cyril Dumoulin pourrait être absent de longs mois. / FFHandball / S.Pillaud

Le format du Mondial de handball va changer. A nouveau. L’édition 2021, en Egypte, accueillera 32 équipes et non 24. La compétition reviendra à une formule moins alambiquée et plus lisible pour le public, avec des quarts de finale après une phase de groupe, et non plus un tour préliminaire suivi un tour principal avant les demi-finales comme cette année. Et, surtout, selon les informations du Monde, la fédération internationale (IHF) a décidé de profiter de cet élargissement pour augmenter le repos des joueurs.

« La nouvelle compétition intégrera un jour de repos entre chaque match, et un match de moins par équipe », garantit un membre de l’IHF. « Nous voulons augmenter le nombre de jours de repos pendant le Mondial car les joueurs sont nos atouts », a confirmé le président de l’IHF, Hassan Moustafa, lors de la conférence de clôture de la compétition, dimanche 27 janvier à Herning au Danemark.

Cette décision devrait être accueillie favorablement par les joueurs et les staffs des équipes après une édition 2019 jugée « inhumaine », selon les mots du sélectionneur français Didier Dinart. Les conditions dans lesquelles s’est déroulé ce Mondial ont été telles que l’hypothèse d’une grève commençait à être envisagée par certains acteurs du handball mondial.

Longue liste de blessés

« C’est une hérésie ! Clairement, la priorité n’est pas la santé des athlètes », s’insurgeait Pierre Sébastien, le médecin de l’équipe de France en début de compétition, pointant la formule à deux tours de ce Mondial 2019 et redoutant une cascade de blessures musculaires. Ce fut une avalanche.

Genou, mollet, aine, épaule, tendons, cuisse… la liste des blessés durant ce Mondial, minutieusement consignée par le joueur danois Rasmus Boysen au fil de la compétition, a permis de réviser l’anatomie du corps humain.

Du capitaine français Cédric Sorhaindo et du gardien français Cyril Dumoulin, à la star islandaise Aron Palmarsson en passant par l’Allemand Martin Strobel ou l’Espagnol Daniel Dujshabaev, toutes les équipes, ou presque, ont déploré la perte d’un joueur au cours de la compétition. Un chiffre bien plus important que lors des précédentes éditions.

Si le handball est un sport de contact, où parfois les coups pleuvent, ceux-ci ne sont pas incriminés par les acteurs du Mondial. Depuis le premier match, ils ont été vent debout contre la formule de la compétition qui les a obligés à jouer dix rencontres en dix-sept jours. Et à employer la majeure partie des jours de repos à effectuer de longs déplacements d’une ville à l’autre.

Satisfaire les télévisions

Si l’IHF avait réinstitué une formule à deux phases de groupes pour ce Mondial 2019, ce n’était pas pour des raisons sportives. Il s’agissait de satisfaire les diffuseurs télévisuels - qui mettent un gros chèque sur la table - et de les assurer de la présence des « grosses nations » jusque loin dans la compétition.

« Lors du Mondial [2017] en France, le Danemark et l’Allemagne ont été éliminés en huitièmes, et les télés, qui payent chers, ont réclamé plus de matchs, a résumé, remonté, Vincent Gérard après la petite finale France-Allemagne, dimanche 27 janvier. Du coup, l’IHF a changé sa formule pour offrir aux TV au moins huit matches à diffuser. »

Lors de la conférence de presse de clôture du Mondial 2019, Hassan Moustafa et les aréopages des fédérations allemandes et danoises, co-organisatrices de l’événement, se sont d’ailleurs unanimement congratulés des fortes audiences télévisuelles générées par la compétition.

« Quand le Danemark a affronté la Suède, il y a eu un pic à deux millions de téléspectateurs, soit 40 % de la population danoise en train de regarder du handball », s’est félicité Morten Stig Christensen, secrétaire général de la fédération danoise. Deux millions de personnes qui ont assisté à la blessure du pivot des futurs champions du monde, René Toft Hansen.

« On n’est pas de la viande »

« Huits matchs en douze jours, avec des voyages pendant ce temps… Est-ce qu’ils se préoccupent des joueurs ? Je n’ai pas l’impression », a dénoncé sur Twitter le gardien espagnol Gonzalo Perez de Vargas après la blessure de son jeune coéquipier Dani Dujshebaiev.

« Il faut arrêter ce cirque et croire que les joueurs peuvent jouer dix matches en deux semaines, le tout en se déplaçant les jours de repos, a lui aussi tonné Vincent Gérard. On n’est pas de la viande. Il faut changer ça. » Pour le portier montpelliérain, secrétaire général de l’AJPH (le syndicat des joueurs pros de handball français), c’est aux joueurs de mettre la pression.

« Evidemment qu’on a envie de se mobiliser, évoquait Valentin Porte après avoir conquis le bronze. Mais j’ai l’impression qu’ils n’en ont clairement rien à faire en haut. » Et de rapporter qu’un collège d’anciens joueurs professionnels avait été consulté avant la modification de la compétition. « Ils étaient contre cette formule, mais elle a quand même été validée. »

« Aujourd’hui, c’est l’économie qui dirige tout dans notre milieu. On ne fait pas attention à nous, c’est un scandale, poursuit l’ailier droit des Bleus. Après, c’est ce qui nous fait vivre, donc on ne va pas arrêter ou boycotter. Mais ce serait bien qu’ils pensent un peu plus à l’humain et moins à l’économie. »

« Nous sommes attentifs au problème », a assuré Hassan Moustafa. Rendez-vous en 2021.