Me Sebastien Courtoy, l’avocat de Mehdi Nemmouche, à Bruxelles, le 20 décembre. / JOHN THYS / AFP

Dès le début d’un procès qui s’annonçait fleuve, MSebastien Courtoy, l’avocat de Mehdi Nemmouche s’était fait fort de prouver l’innocence de son client, auteur présumé de la fusillade du Musée juif de Belgique, qui a fait quatre morts le 24 mai 2014. Dès mardi 29 janvier, l’avocat s’y est employé lors du contre-interrogatoire des policiers, experts et juges en charge de l’enquête.

Devant les assises de Bruxelles, MSebastien Courtoy a donc tenté de braver les évidences et les nombreux éléments à charge – même les plus indiscutables – mis en évidence par une instruction extrêmement minutieuse. Passant de la thèse d’un complot ourdi par le Mossad pour tuer deux Israéliens, les époux Miriam et Emanuel Riva, à celle d’un traquenard généralisé impliquant aussi la Belgique et la France – Nemmouche a été appréhendé à Marseille quelques jours après l’attentat –, MCourtoy a évoqué manipulations, faux et « mensonges proférés sous serment ».

« Ce sont des accusations graves »

« Vous êtes en train de dire que l’image a été manipulée ? », interroge la présidente, Laurence Massart, quand le défenseur du Roubaisien affirme notamment qu’on a pu retoucher les images de la vidéosurveillance, qui offrent une très grande ressemblance entre le tueur du musée et l’accusé. « C’est ce que je dis depuis le début du procès, et je le dirai jusqu’à la fin », réplique MCourtoy. « Ce sont des accusations graves », rétorque Mme Massart, qui objecte qu’à aucun moment la défense n’a introduit une demande de récusation des experts. « On a tout de suite compris que la seule chose qui pouvait nous sauver, c’est un jury populaire. Nous attaquons un système, on n’allait pas demander la récusation de tout le monde », explique l’avocat.

Lui et son confrère Henri Laquay n’ont, en tout cas, pas jugé utile, non plus, de réclamer une contre-expertise quand d’autres analyses ont permis d’affirmer que la voix revendiquant l’attentat sur une vidéo était celle de Mehdi Nemmouche – lequel a fini, la semaine dernière, par accepter le prélèvement de voix qu’il avait refusé jusque-là.

La thèse complotiste sera donc développée pendant plusieurs semaines, le procès devrait s’achever au début mars. Influencera-t-elle les douze jurés ? Mardi matin, l’un d’eux s’est demandé si l’on avait trouvé dans les téléphones portables des victimes un élément quelconque permettant d’accréditer la thèse d’un assassinat ciblé. Réponse : aucun. La défense de Nemmouche tente pourtant d’éclairer de prétendues zones d’ombre dans le voyage du couple Riva en Belgique, évoquant notamment le fait que Miriam Riva fut, à un moment donné, comptable pour les services secrets de son pays.

La stratégie de la défense se voulait d’autant plus radicale que les dernières audiences avaient permis d’aligner des indices renforçant la présomption de culpabilité de Nemmouche et de son coaccusé, Nacer Brender, un truand marseillais qui, lui, a livré des armes et tente, aujourd’hui, de se démarquer de son ancien camarade de détention.

Discussion avec Salah Abdeslam

Les images filmées par les caméras du musée, la vidéo de revendication, les vêtements que portait Nemmouche lors de son arrestation par des douaniers marseillais, les empreintes sur les armes qu’il transportait ce jour-là, sa mystérieuse planque à Molenbeek – une municipalité où il n’était jamais venu auparavant –, ses communications téléphoniques avec la Syrie, etc. : tout semble concorder pour appuyer la thèse d’un attentat antisémite, téléguidé par la mouvance djihadiste. Un acte symbolique inaugurant la longue série d’attentats qui allaient frapper les capitales belge et française.

MCourtoy objecte toutefois que l’Etat islamique n’a pas revendiqué l’attaque, que l’ADN de Nemmouche n’a pas été retrouvé sur la porte d’entrée du musée, et qu’il n’aurait eu aucun contact à Bruxelles. Un propos étrangement confirmé à demi-mot par un magistrat instructeur, qui semble oublier que l’intéressé a séjourné en Syrie, où il aurait, selon des témoins, côtoyé notamment le Bruxellois Najim Laachraoui, l’un des auteurs de l’attentat à l’aéroport de Zaventem, le 22 mars 2016. Et, plus que probablement, le Molenbeekois Abdelhamid Abaaoud, organisateur des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, tué cinq jours plus tard à Saint-Denis.

Incarcéré à Bruges en 2016 au moment des attentats de Zaventem et de la station de métro Maelbeek, Mehdi Nemmouche a également été surpris en train de commenter pour son voisin de cellule, Salah Abdeslam, les informations sur ces actions terroristes. Il désignait alors deux des auteurs par leur surnom et révélait l’identité du troisième, Mohamed Abrini, « l’homme au chapeau », que les policiers belges allaient mettre plusieurs jours à identifier et à arrêter.

De tout cela, MCourtoy n’a pas parlé, tandis que les magistrats belges paraissaient, eux, vouloir gommer ces éléments afin, peut-être, de ne pas empiéter sur les futurs procès français et belges relatifs aux attentats de Paris et de Bruxelles. Il faudra sans doute attendre les témoignages des journalistes français otages de l’Etat Islamique en Syrie, qui ont reconnu en Nemmouche l’un de leurs geôliers les plus cruels, pour reparler des véritables liens de l’accusé.