Université Lyon-III

Le numérique a entraîné un profond renouvellement des pratiques dans le monde des sciences sociales. Les centres de recherche, les entreprises privées et les institutions sont demandeuses de diplômés à l’aise à la fois dans leurs disciplines de sciences humaines et avec les nouvelles méthodes informatiques qu’ils doivent utiliser, notamment pour mener des recherches en toute autonomie. C’est pour répondre à ces nouveaux besoins que les formations en « humanités numériques », cette discipline à la croisée des chemins entre l’informatique et les sciences sociales, se sont fortement développées.

La plupart d’entre elles interviennent au niveau master, c’est-à-dire à bac + 3, durent deux ans, et sont accessibles sur dossier après une licence en sciences humaines (lettres, histoire, sciences de l’information, sociologie, anthropologie ou archéologie). Les étudiants diplômés d’une licence d’informatique peuvent eux aussi se tourner vers ce type de formations.

Concernant les débouchés, la majorité des étudiants en humanités numériques deviennent cadres. Les postes visés sont ceux de chef de projet numérique, d’ingénieur de recherche, de chargé de production des données, de médiateur numérique… Selon les spécialisations choisies, les diplômés peuvent également prétendre à des missions de chargé de développement numérique et culturel ou de responsable de communication numérique ; plus rarement de « data scientist », « web designer » ou chargé d’études statistiques.

Comme de nombreux masters, les cursus en humanités numériques peuvent aussi déboucher sur un doctorat dans l’une des disciplines de sciences humaines, ou amener les étudiants à passer des concours dans l’enseignement ou l’administration publique.

Profils variés et organisation particulière

L’insertion professionnelle de ce champ disciplinaire est encore difficile à évaluer car très récente ; mais nous savons qu’environ 30 % des diplômés en humanités numériques de l’université Bordeaux-Montaigne ont un emploi à la sortie de leurs cursus, des chiffres plus rassurants un an plus tard (80 %), qui atteignent 100 % deux ans après l’obtention du diplôme. Cependant, ils sont pour moitié encore en CDD à cette date, tandis que 35 % sont en CDI, 10 % en profession libérale et 5 % fonctionnaires. En moyenne, ils gagnent un salaire de 1 740 euros net mensuel deux ans après l’obtention du diplôme.

Les profils sont évidemment variés, puisque les formations recrutent dans de nombreuses spécialités des sciences sociales. A Bordeaux-Montaigne, 40 % des étudiants sont issus d’un baccalauréat littéraire, et 55 % sont des femmes.

Si les cursus sont forcément différents les uns des autres, deux volets se dégagent des enseignements : un premier volet d’apprentissages théoriques – les étudiants s’intéressent aux enjeux juridiques et sociologiques du numérique, par exemple –, et un second volet pratique, où sont dispensés les rudiments de l’informatique et de la statistique, la méthodologie pour collecter, analyser et valoriser des données, ainsi que des cours de gestion de projets numériques.

Certains cursus ont une organisation particulière : le master « humanités numériques » co-accrédité par l’université Lumière-Lyon-II, l’université Jean-Moulin-Lyon-III, l’Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon et l’Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib) est accessible uniquement en double diplôme. Ses étudiants continuent donc à étudier leurs disciplines de sciences humaines, et suivent un jour par semaine cette spécialisation complémentaire, qui nécessite un niveau initial minimum en informatique.

Généralement peu de places disponibles

D’autres formations sont proposées exclusivement à distance : c’est le cas d’un parcours « médiation numérique et ingénierie pédagogique », proposé par l’Institut des technosciences de l’information et de la communication (ITIC) de l’université Paul-Valéry, à Montpellier.

Enfin, d’autres cursus se distinguent par leurs spécialisations. Le Centre d’études supérieures de la Renaissance de l’université François-Rabelais de Tours, par exemple, est tourné vers les métiers du patrimoine, avec une mention humanités numériques qui se décline en deux masters : « intelligence des données de la culture et des patrimoines » (IDCP) et « médiation numérique de la culture et des patrimoines » (MNCP). A Tours également, l’Ecole supérieure en intelligence des patrimoines propose six masters au croisement des sciences humaines et sociales et des sciences du numérique.

Quel que soit l’établissement, les cursus en humanités numériques offrent généralement peu de places. Celui de l’université Rennes-II, par exemple, n’accueille que 30 étudiants.

Mais ces formations continuent de se développer chaque année. En 2017, un master « humanités numériques » a vu le jour, fruit de la collaboration entre l’université Paris sciences et lettres (PSL), l’Ecole nationale des chartes, l’ENS et l’Ecole pratique des hautes études (EPHE). Les établissements d’enseignement supérieur ont compris qu’il fallait « exploiter l’expertise en informatique appliquée aux sciences humaines à des métiers émergents », explique Everardo Reyes, coresponsable de la mention « humanités numériques » de l’université Paris-VIII.