Molotov est une plate-forme de visionnage en ligne de contenus de télévision gratuits et payants. / ERIC PIERMONT / AFP

Altice et Molotov sont en discussions exclusives en vue d’une « entrée majoritaire » de l’opérateur télécoms de Patrick Drahi au capital de la plate-forme de visionnage en ligne de contenus de télévision gratuits et payants, annoncent les deux entreprises, par un communiqué, mercredi 30 janvier.

Ses actionnaires et fondateurs historiques – Jean-David Blanc, fondateur d’Allociné, Pierre Lescure, ancien président de Canal+ et Jean-Marc Denoual, ex-cadre de TF1 – resteront au capital mais doivent en céder le contrôle. Ils cherchaient depuis des mois à lever des fonds mais espéraient rester majoritaires. Le montant de la transaction n’est pas communiqué. Alors que l’entreprise avait levé environ 30 millions d’euros depuis sa création, des mandats ont en 2017 et 2018 été confiés à des banques pour trouver 50 millions d’euros minimums. Dans la presse, des discussions avaient été évoquées avec Orange et avec France Télévisions et Salto, l’entreprise de télévision en ligne cofondée avec TF1 et M6. Mais n’avaient pas abouti.

« Spotify de la télé »

« Cette nouvelle étape nous permettra de devenir le Spotify de la télé en France et à l’international », a expliqué Jean-David Blanc, qui comparait précédemment son service aux « App Stores » d’Apple ou Google. L’appui d’Altice doit « accélérer le développement de Molotov, donner à la plate-forme française les moyens de devenir un acteur majeur de l’OTT [la distribution par Internet, “over the top” ] en France et à l’étranger, de distribuer des contenus français et internationaux à travers le monde », selon le communiqué.

Concrètement, Molotov est une application qui se télécharge sur appareil mobile ou ordinateur et donne accès, gratuitement, au visionnage de nombreuses chaînes, par le biais d’une interface de navigation originale. Pour gagner de l’argent, elle propose aux utilisateurs de payer pour des services comme la très haute définition ou la possibilité d’enregistrer une grande quantité de programmes (3,99 euros). Ou de s’abonner à des contenus payants : 75 chaînes de plus ou l’accès à OCS, la chaîne ciné et séries d’Orange ou l’accès à Ciné +, un bouquet cinéma de Canal+…

C’est plutôt sur les contenus payants que Molotov peut espérer bénéficier du rachat par Altice, selon le communiqué : « La start-up pourra s’appuyer sur l’ensemble des actifs télécoms et médias d’Altice, notamment ses contenus premiums, sa puissance commerciale et son empreinte à l’international, afin de poursuivre son développement », lit-on. Altice est propriétaire de droits sportifs, dont la Ligue des champions de football, avec RMC Sport. Mais aussi de séries et films, par l’intermédiaire d’accords avec des studios américains, dont NBCUniversal. Ceux-ci avaient été noués pour alimenter Altice Studio, la chaîne et plate-forme de vidéo à la demande de l’opérateur.

Chiffres difficiles à vérifier

Paradoxe de la transaction annoncée aujourd’hui, l’entreprise de Patrick Drahi semblait ces derniers mois moins agressive dans sa stratégie de contenus et de « convergence » avec les activités télécoms. « Grâce à Molotov, l’expertise de son fondateur et de ses équipes, SFR, RED et RMC Sport continueront d’améliorer l’expérience digitale innovante de leurs clients et de leurs téléspectateurs », lit-on dans le communiqué, laissant entendre que la plate-forme technique Molotov pourrait être utilisée.

En juillet 2018, Molotov assurait que six millions « d’utilisateurs » se seraient inscrits sur son application, dont 40 % de « fidèles » regardant plus de vingt heures de programmes chaque mois. Il revendiquait un rythme de 20 000 abonnés par mois environ, depuis début 2018. Mais ces chiffres étaient difficiles à vérifier, l’entreprise ne communiquant ni chiffre d’affaires, ni résultats ni nombre d’abonnés. M. Blanc admettait que Molotov n’était pas à l’équilibre et disait viser la rentabilité « à cinq ans, d’ici 2021 ».

Quelle intégration dans Altice ?

Comment Altice va-t-il intégrer Molotov ? La plate-forme est à la fois un service qu’il peut offrir à ses abonnés, en tant qu’interface améliorée pour regarder ses programmes, mais c’est aussi une offre de distribution de contenus en partie concurrente des bouquets proposés par SFR dans ses abonnements. Molotov aura potentiellement accès aux 22 millions de clients revendiqués par SFR mais on peut se demander quelle sera l’attitude des autres opérateurs de téléphonie et de boxes d’accès à Internet.

Alain Weill, PDG d’Altice France et fondateur de Next Radio (BFM-TV, RMC…), racheté par M. Drahi en 2015, voit dans Molotov « un véritable trait d’union entre les contenus et les infrastructures très haut débit » : « Leader de la fibre, leader de l’information en continu et leader du sport, nous avons l’ambition d’être l’opérateur digital et OTT le plus innovant du marché afin d’offrir à nos clients et tous ceux qui regardent nos contenus, la meilleure expérience », pense-t-il.