En avril 2001, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). / MARTIN BUREAU / AFP

L’avenir du journal L’Humanité devait se jouer, mercredi 30 janvier, au tribunal de commerce de Bobigny. En difficulté financière, le quotidien communiste s’est déclaré en cessation de paiements, comme l’a révélé l’hebdomadaire Marianne, le 25 janvier. La direction de L’Humanité devrait obtenir le placement en redressement judiciaire du titre, avec poursuite de l’activité. Si, toutefois, les juges s’opposaient à ce plan de continuation, le journal serait placé en liquidation judiciaire et cesserait sa parution, entraînant le licenciement de plus de 200 salariés, dont 170 cartes de presse.

Même si la rédaction « avait conscience du risque de cessation de paiements depuis plusieurs semaines, les salariés ont mis du temps à entendre et digérer cette nouvelle », raconte Vadim Kamenka, le représentant des employés au tribunal de commerce. Les équipes ont été informées par la direction que leur paie serait versée grâce au régime de garantie des salaires (AGS), prévu pour prendre le relais dans ce type de situation.

Lundi 28 janvier, le directeur de L’Humanité, Patrick Le Hyaric, a appelé, dans les colonnes du journal, à une « mobilisation exceptionnelle » des lecteurs, en les invitant à organiser « collectes de fonds, débats, banquets de soutien, animations de rue, campagne pour faire découvrir [leurs] journaux ». L’Humanité mise sur les dons de ses fidèles, grâce auxquels « plus de 1 million d’euros » ont déjà été collectés « en quelques semaines », indique M. Le Hyaric. Une campagne d’abonnements devrait par ailleurs être lancée dans les prochains jours, et une soirée de soutien aura lieu le 22 février à Paris.

Economies drastiques

Le quotidien, fondé en 1904 par Jean Jaurès, devenu organe officiel du Parti communiste entre 1920 et 1994, fait face, depuis plusieurs années, à une situation financière fragile. « Depuis trois ans, des mesures drastiques d’économies sont appliquées, explique M. Kamenka. Les départs à la retraite ne sont pas remplacés. On limite au maximum le recours aux CDD et aux pigistes, les reportages en France ou à l’étranger. » La rédaction n’a pas pu envoyer de journalistes couvrir la Coupe du monde de football, en Russie, à l’été 2018, ou l’élection présidentielle, au Brésil, en octobre 2018.

La diffusion du journal a baissé de 6,2 % sur un an, entre juillet 2017 et juin 2018, à 32 700 exemplaires

En 2016, le titre avait frôlé la cessation de paiements et fait, depuis, régulièrement appel aux dons de ses lecteurs. L’Humanité, qui avait bouclé les exercices 2016 et 2017 sur des résultats positifs, aurait perdu plus de 1 million d’euros en 2018, notamment en raison d’une nette baisse de ses recettes publicitaires. Sa dette s’élèverait à 7 millions d’euros.

Problème, « aucune banque n’a voulu, à cette heure, s’engager » pour financer cette dette, déplore le directeur du journal, et L’Humanité ne peut s’appuyer sur des actionnaires pour être remis à flot. Indépendant, le titre est détenu en majorité par la Société des amis de L’Humanité.

« Il existe un chemin pour que le journal vive et se développe »

Dans sa lettre aux lecteurs, Patrick Le Hyaric a tenu à souligner quelques signaux positifs : un nombre d’abonnés en hausse et de « bonnes » ventes en kiosque en novembre et décembre 2018. « Il existe un chemin pour que L’Humanité vive et se développe », veut-il croire. Le quotidien est toutefois confronté au recul des ventes de la presse écrite : sa diffusion a baissé de 6,2 % sur un an (entre juillet 2017 et juin 2018), à 32 700 exemplaires, dont 5 170 en kiosque, selon l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias.

Dans un communiqué publié mercredi matin, avant le début de l’audience au tribunal de commerce, la section syndicale SNJ du journal a regretté que « les recettes maintes fois éprouvées par la direction de L’Humanité [n’aient], jusqu’ici, abouti qu’à une contraction de[s] titres, de leurs contenus, de[s] effectifs et d[u] lectorat ».

Le syndicat, qui constate que le quotidien « jouit d’une sympathie et d’un engagement à nuls autres pareils de la part de ses lecteurs, qu’ils soient militants politiques, associatifs, intellectuels, artistes ou simples citoyens », souhaite que ces derniers puissent devenir actionnaires, afin de mettre « durablement » L’Humanité « sous protection populaire ».