A Strasbourg le 26 janvier. / VINCENT KESSLER / REUTERS

Ils sont environ 250. Dans la salle, beaucoup de têtes grises et seulement quelques Français issus de l’immigration. Tous sont venus assister à la première réunion du « conseil de suivi et d’évaluation de la participation citoyenne », à l’hôtel de ville de Strasbourg. L’aboutissement de près de deux années de réunions mobilisant quelques centaines d’habitants de la capitale alsacienne. La démarche, lancée au printemps 2017 par le maire, Roland Ries (PS), et son adjointe en charge de la démocratie locale, Chantal Cutajar (SE), a débouché sur l’élaboration d’un pacte recensant les différentes initiatives de démocratie participative souhaitées par les habitants, adopté en avril 2018 à l’unanimité du conseil municipal moins une abstention.

« Lorsque le maire m’a confié, en 2016, la délégation de la démocratie locale, le constat était assez inquiétant. Les personnes engagées dans les instances de concertation se sentaient inutiles, explique Mme Cutajar. Il y avait pourtant une véritable soif de participer à l’élaboration des politiques publiques. »

Pétitions, budget participatif et initiatives citoyennes

Ancienne DRH, Marie-Dominique a participé à l’ensemble de la démarche. « Au départ, mes amis se sont moqués de moi, ils estimaient que ces ateliers ne visaient qu’à apaiser les gens », témoigne cette militante EELV qui juge pourtant cette initiative en avance sur son temps : « Si le concept du budget participatif par exemple était davantage développé en France, les “gilets jaunes” auraient une instance à qui s’adresser. »

Ce concept de budget participatif figurait en bonne place parmi la trentaine de propositions ayant émergé des réflexions menées par les habitants, au même titre que la systématisation d’un « droit de participer » de la population ou encore la possibilité de lancer des pétitions citoyennes. Les trois mesures ont fait l’objet d’une première application avec la mise en ligne, à l’automne dernier, d’une plate-forme numérique donnant accès aux différentes initiatives de démocratie participative.

Doté d’une enveloppe de 1 million d’euros pour 2019 (sur un budget d’investissement total de plus de 115 millions d’euros), le budget participatif a connu un succès inattendu. 214 projets ont été déposés, concernant pour moitié les espaces verts et la mobilité. Tous ne pourront pas être réalisés ; après examen de leur recevabilité, ils seront soumis au vote des citoyens.

Les pétitions citoyennes ont mis plus de temps à se concrétiser. En deux mois et demi, 15 appels à signature ont finalement été déposés et 11 jugés recevables. Ils figurent sur le site de démocratie participative de la ville pendant six mois. Le plus mobilisateur, avec 827 signatures, concerne la préservation d’une « ceinture verte » autour de la ville. Suivent le rétablissement de la gratuité du stationnement entre midi et 14 heures ou une demande de moratoire pour les travaux du contournement ouest de Strasbourg qui, avec respectivement 271 et 174 signatures, sont loin des 2 800 signatures nécessaires pour que la demande en question fasse l’objet d’une délibération du conseil municipal.

Mobiliser sans trop canaliser

Si la plate-forme participative compte plus de 5 000 visiteurs depuis son lancement, seules 327 personnes ont signé le pacte, dont l’approbation est pourtant obligatoire pour qui veut intégrer la démarche. Une faible participation due à la complexité de l’inscription en ligne, un vrai « parcours du combattant », selon les membres de l’opposition municipale. Mais cette situation montre une autre limite aux démarches de démocratie locale : la difficulté de dépasser le cercle des personnes déjà investies par ailleurs dans la vie de la cité. « De façon générale, les gens ne restent pas s’il ne se passe rien dans les réunions. D’où l’importance de les faire travailler autour de projets. Le succès du budget participatif est à cet égard révélateur », estime Mme Cutajar.

Autre difficulté : intéresser les élus eux-mêmes. « Il n’y a que deux élus qui se soient intéressés à la démarche, en suivant régulièrement les ateliers. Les autres ne sont venus que lors des grandes occasions », regrette par exemple Marie-Dominique. « Côté élus, cela demande de lâcher du pouvoir, mais tout le monde n’est pas prêt à le faire. Tous ne sont pas au même niveau, dans ce qu’ils mettent derrière le mot de démocratie », avance pour sa part l’adjointe à la démocratie locale, elle-même issue de la société civile.

La démarche de démocratie participative strasbourgeoise va désormais se poursuivre par le recensement et le soutien de la ville à des initiatives citoyennes concernant la lutte contre les perturbateurs endocriniens ou encore l’amélioration de la situation des femmes.