Ce n’est qu’une seule des 9 228 munitions de lanceur de balle de défense (LBD) qui ont été tirées depuis le début du mouvement des « gilets jaunes ». Mais c’est sans doute celle qui embarrasse le plus les autorités. La police nationale a reconnu mercredi 30 janvier qu’un de ses membres avait bien fait usage de son arme dite de « force intermédiaire » au moment où Jérôme Rodrigues, l’une des figures de la mobilisation, s’est effondré samedi 26 janvier place de la Bastille à Paris, gravement touché à l’œil.

Même si les forces de l’ordre continuent d’affirmer que ce n’est pas un projectile de LBD qui a blessé le manifestant, mais plutôt un éclat de grenade de désencerclement, cette nouvelle version vient contredire celle que défend la Place Beauvau depuis le week-end dernier. « Je n’ai aucun élément qui me permet de dire qu’il y a eu un usage d’un LBD qui aurait touché Jérôme Rodrigues », avait expliqué Laurent Nuñez, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur, dimanche 27 janvier sur LCI, affirmant que tous les tirs avaient été filmés.

Un timing qui interroge

Les autorités plaident la « remontée tardive d’information » pour justifier cette erreur. Le gardien de la paix qui a fait usage du LBD n’aurait rendu son rapport que mardi, après avoir, dans un premier temps, mal renseigné l’horaire de son tir. Dans ce document révélé par Le Parisien, il assure avoir touché un manifestant au ventre, et non pas Jérôme Rodrigues au visage. Le timing interroge cependant. Le rapport du policier n’a été rendu public qu’après la diffusion mardi par l’émission « Quotidien », diffusée sur TMC, de nouvelles images prouvant l’existence de tirs au moment de la blessure du manifestant.

Tous ces éléments ont été versés à l’enquête de l’inspection générale de la police nationale en cours. Le principal intéressé, Jérôme Rodrigues, qui a tenu une conférence de presse mercredi 30 janvier, pansement sur l’œil, réaffirme de son côté sa certitude d’avoir été touché par un tir de LBD. Quoi qu’il en soit, la pression s’accentue sur cette arme : le Conseil d’Etat doit se prononcer au plus tard vendredi sur un référé demandant l’interdiction de son usage par les forces de l’ordre.