Le président Hassan Rohani, au Parlement iranien à Téhéran, le 25 décembre 2018. / ATTA KENARE / AFP

L’Union européenne (UE) devait annoncer jeudi 31 janvier, en marge d’une réunion ministérielle informelle à Bucarest, l’officialisation d’un système permettant de poursuivre le commerce avec l’Iran tout en échappant aux sanctions décrétées par les Etats-Unis. Le mécanisme, baptisé Instex (l’acronyme anglais d’Instrument de soutien aux échanges commerciaux), sera enregistré en France. Sa localisation – à Paris – a été un autre sujet de débat entre Européens, certains se montrant frileux face aux risques de mesures de rétorsion américaines.

La mise au point de ce « véhicule spécial » ou « canal financier » a été complexe. La structure est intergouvernementale mais chapeautée et « endossée » par l’UE. Elle sera dirigée par un Allemand. La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni en seront les actionnaires – les seuls, à ce stade. Les trois pays sont signataires de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien (JCPoA), conclu en 2015 pour éviter l’acquisition par l’Iran d’un armement nucléaire. La Russie, la Chine et les Etats-Unis l’ont également signé mais Donald Trump a dénoncé l’accord en mai 2018, estimant que Téhéran ne respectait pas ses engagements.

Le but de M. Trump : couper le pays de ses principales sources de revenus et des canaux financiers internationaux. Sa décision avait une portée extraterritoriale et visait donc l’ensemble des entreprises commerçant avec Téhéran ou échangeant avec les banques de la République islamique, dont celles de l’UE, qui couraient dès lors le risque de se voir privées de l’accès au marché américain.

Une portée limitée

L’UE qui achetait massivement du pétrole et du gaz iraniens était, par ailleurs, soumise à la pression des dirigeants de Téhéran, qui exigent des compensations à leurs promesses concernant le nucléaire. Et elle s’est en partie divisée quant à la réponse à apporter – l’Italie et l’Espagne, notamment, exprimant des réticences. L’UE a donc recherché le moyen de permettre à l’Iran d’exporter du pétrole et de régler ses achats en Europe sans créer de flux financiers entre banques iraniennes et européennes, afin que ces dernières échappent aux sanctions. Le dispositif mis au point pourrait, en théorie, être ouvert à des pays tiers, comme l’Inde, la Chine ou la Russie.

Selon le schéma envisagé, une entreprise iranienne pourra vendre des produits à une société européenne et se voir ainsi ouvrir un crédit. Lequel pourra servir ensuite à l’acquisition d’autres biens. Dans un premier temps, il s’agirait surtout de produits alimentaires et de médicaments, ces deux secteurs ayant été particulièrement affectés par les sanctions décrétées à Washington. Les banques européennes refusent, en effet, de cautionner des transactions qui les exposeraient, même quand les échanges concernaient des produits de première nécessité, non visés, en théorie, par les mesures américaines.

La portée du mécanisme, semblable à celui d’une chambre de compensation, semble toutefois limitée et ne devrait concerner, en définitive, que des entreprises européennes de taille réduite. Les plus grandes sociétés se sont déjà retirées du marché iranien, soucieuses de préserver leur accès au marché américain.

Difficultés du président Hassan Rohani

En outre, les Européens n’achètent pratiquement plus de pétrole à l’Iran, alors que cela représentait 90 % de leurs importations avant 2017. Le reste des échanges, qui équivaut à 1 milliard d’euros, ne suffira pas à couvrir les besoins iraniens, ce qui pourrait déstabiliser les relations entre l’UE et Téhéran. Les dirigeants iraniens exigent en effet, que les Européens respectent leurs engagements initiaux en matière économique et commerciale.

Les dirigeants de l’Union prennent en compte les difficultés du président Hassan Rohani, qu’ils considèrent comme le principal garant de l’accord sur le nucléaire. Il est certes confronté au camp ultraconservateur mais les capitales européennes ne peuvent passer sous silence d’autres éléments : la poursuite par l’Iran d’un programme de missiles à longue portée, ses activités déstabilisatrices dans la région – en Syrie, au Liban et au Yémen - ainsi que les assassinats d’opposants aux Pays-Bas, ou les récentes tentatives d’attentat déjouées au Danemark et en Belgique – d’où devaient partir deux personnes transportant des explosifs vers un meeting de l’opposition iranienne à Villepinte.

Le communiqué commun de Paris, Berlin et Londres diffusé jeudi devait donc s’avérer ferme, selon des sources diplomatiques.