Le défenseur marocain Mehdi Benatia lors d’une rencontre amicale entre le Maroc et l’Ukraine, à Genève, le 31 mai 2018. / FABRICE COFFRINI / AFP

Mehdi Benatia est un garçon intelligent, et il se doutait bien que son arrivée au Qatar ferait l’objet de nombreux commentaires. Un peu plus de quarante-huit heures après l’officialisation de son départ de la Juventus de Turin pour le golfe Persique, l’élégant défenseur de 31 ans a expliqué son choix sur son compte Instagram, alors qu’il se voyait bien terminer sa carrière dans le Piémont. « Malheureusement, la vie réserve quelques surprises et j’ai donc dû changer mes plans. Je comprends que l’on n’accepte pas mon choix, mais je vous demande de le respecter », précise-t-il.

Le capitaine des Lions de l’Atlas, qui était sous contrat avec la Juventus jusqu’au 30 juin 2020, a donc été transféré pour un montant de 8 millions de dollars (près de 7 millions d’euros), avec des bonus pouvait atteindre 2 milions de dollars. Le joueur percevra de son côté un salaire net annuel de 5 millions de dollars pendant trois ans, alors que ses émoluments transalpins se situaient autour de 3 millions hors primes.

« Un choix financier plus que sportif »

Mehdi Benatia, en manque de temps de jeu dans le club qu’il avait rejoint en 2016 en provenance du Bayern Munich, avait plusieurs fois manifesté sa volonté de changer d’air. Utilisé à cinq reprises en Série A et une seule fois en Ligue des champions par Massimiliano Allegri, le coach bianconeri, l’international marocain (60 sélections) aurait pu poursuivre sa carrière en Europe, puisque au moins deux clubs allemands – le Borussia Dortmund et le Schalke 04 – semblaient disposer à l’accueillir, ainsi que le Milan AC.

Le passage de la Juventus de Turin – toujours engagée en Ligue des champions, leader du championnat italien et considérée comme l’un des meilleurs clubs du monde –, à Al-Duhail peut surprendre. Le championnat du Qatar n’est pas réputé pour être un des meilleurs d’Asie, et la plupart des matchs se jouent devant des tribunes presque vides. « Benatia a clairement fait un choix financier plus que sportif, et il n’est ni le premier, ni le dernier dans ce cas. Même s’il a très bien gagné sa vie à la Juventus, au Bayern Munich [7,5 millions de dollars par an entre 2014 et 2016] et à l’AS Roma auparavant [2 millions de dollars en 2013-2014], il a le droit aussi de penser à l’avenir de sa famille, explique un agent. Il aura 32 ans en avril. Ce n’est pas un choix si surprenant. »

Au Maroc, le départ de Mehdi Benatia au Qatar interpelle donc les supporteurs de la sélection nationale, inquiets de voir s’exiler de nombreux joueurs vers des championnats moins relevés qu’en Europe. Ce transfert intervient après ceux d’autres internationaux vers l’Arabie saoudite, tels Manuel da Costa (Ittihad) et Mbark Boussoufa (Al-Shabab), où ils ont rejoint Nordin Amrabat (Al-Nasr) et Aziz Bouhaddouz (Al-Batin) ou Karim El Ahmadi (Ittihad).

« Un grand professionnel »

Interrogé par Le Monde Afrique sur cette question, Hervé Renard, le sélectionneur français des Lions de l’Atlas, dit comprendre leur choix. « Les championnats du Qatar ou de l’Arabie saoudite sont moins compétitifs, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne le sont pas. Dans le cas de Benatia, Da Costa [32 ans], Ambarat [31 ans], El Ahmadi [34 ans] ou Boussoufa [34 ans], on parle de joueurs qui ont plus ou moins largement dépassé la trentaine. Qu’ils aillent dans un championnat moins relevé est donc plus compréhensible, car ils doivent aussi penser à l’avenir. Par contre, un joueur de 20 ou 25 ans qui part dans le Golfe, cela me semble moins logique », précise-t-il.

Hervé Renard a discuté avec Mehdi Benatia ces derniers jours. « Je pense qu’il avait encore le niveau pour faire deux ou trois saisons dans un club qui dispute la Ligue des champions. Mais aller dans le Golfe, ça lui trottait dans l’esprit depuis un certain temps. Il pense aussi à la qualité de vie. Et puis, c’est un grand professionnel. Au Qatar, les clubs ont droit à trois étrangers. Si un joueur ne donne pas satisfaction, le contrat peut vite être rompu. Le fait que plusieurs de mes joueurs évoluent désormais dans cette partie du monde ne m’inquiète pas pour la sélection nationale », ajoute M. Renard, à moins de cinq mois de la Coupe d’Afrique des nations 2019, prévue du 21 juin au 19 juillet en Egypte.

D’autres joueurs africains ont profité du mercato hivernal pour changer d’air. Ainsi, le défenseur ghanéen Kevin-Prince Boateng (31 ans, 14 sélections) a quitté Sassuolo et la Série A italienne pour un prêt avec option d’achat (8 millions de dollars) au prestigieux FC Barcelone. Le club catalan n’est jamais que la dixième destination de Boateng, dont le demi-frère, Jérôme, est international allemand. Le prometteur défenseur malien Amadou Haidara (21 ans, 5 sélections) a, quant à lui, rejoint le RB Leipzig pour quatre ans et demi en provenance du RB Salzbourg. Un parcours qui ressemble beaucoup à celui d’un certain Naby Keita, l’international guinéen, qui évolue désormais à Liverpool, aux côtés de Mohamed Salah et de Sadio Mané.