Arte, vendredi 1er février à 23 h 55, concert

Joan Baez s’apprête à cesser son activité de chanteuse, a-t-elle expliqué, parce qu’elle sent sa voix décliner et que ses aigus la trahissent. En l’écoutant, le 4 juin 2018, lors de la première de sa « résidence » à l’Olympia, on se dit que si ses contemporain(e) s’appliquaient des critères aussi exigeants, peu oseraient se produire encore aujourd’hui. Le pas de celle qui a tant participé aux marches – d’abord aux côtés de Martin Luther King – s’est certes ralenti et le cheveu a blanchi. Mais la madone du folk, vêtue de noir, a la septantaine rayonnante quand elle avance seule sur la scène avec son sourire désarmant.

Pour faire entendre que sa décision d’arrêter serait irrévocable, elle ouvre son tour de chant par Don’t Think Twice It’s All Right, cette douceur amère composée par son auteur d’élection, Bob Dylan. Il ne sert à rien de « chercher à comprendre », de « rallumer la lumière » ou de « crier [son]nom »,disent les paroles : « Quand ton coq chantera au point du jour/Regarde par ta fenêtre, je serai partie. »

Un « picking » toujours vif

Evidemment, le timbre n’a plus l’éclat d’autrefois, la projection s’est réduite. La voix n’en est pas moins aussi belle, désormais de gravité voilée, patinée par la vie, ses bonheurs et ses chagrins – les morts de ses sœurs et de sa mère centenaire –, les espoirs et les désillusions. Le « picking » de guitare sèche (dont Dylan était jaloux) est toujours vif et précis.

Lire l’entretien avec Joan Baez  : « Je rappelle une époque où on résistait »

Pour ceux qui n’étaient pas là et qui n’ont pas pu obtenir de billet pour voir cette grande dame une dernière fois à Paris sur la scène de l’Olympia début février (elle nous aura gâtés !), Arte propose de passer une dernière soirée en sa compagnie et celle de ses musiciens. Ce concert s’accompagne de la rediffusion d’un passionnant documentaire, How Sweet the Sound (Mary Wharton, 2009), montré pour la première fois en 2015 dans le cadre du « Summer of Peace », programmation estivale thématique, et souvent fort qualitative, d’Arte. L’occasion d’aller au-delà de l’icône pour s’intéresser aux racines de son art. On y découvre la jeunesse de cette musicienne virtuose, très tôt consciente de l’injustice sociale de par ses parents, très religieux, et leurs nombreux voyages à l’étranger. Le talent et l’engagement, deux piliers d’une carrière longue de soixante ans. Excusez du peu.

Joan Baez : The Fare Thee Well Tour (95 min). www.arte.tv/fr/videos/082763-000-A/joan-baez-the-fare-thee-well-tour/