Croquis d’audience du procès de Mehdi Nemmouche, réalisé le 10 janvier à Bruxelles. / BENOIT PEYRUCQ / AFP

La cour d’assises de Bruxelles a vécu une journée marathon très particulière, vendredi 1er février, au bout de la deuxième semaine du procès intenté au Roubaisien Mehdi Nemmouche et à son coaccusé, le Marseillais Nacer Bendrer.

« D.A.S. »

Qui est le tireur présumé du Musée juif de Belgique ? Le Nemmouche calme, silencieux, respectueux qui est dans le box ? Ou le fanfaron à l’accent « caillera », placé en garde à vue le 1er juin 2014 et qui, face aux policiers français l’interrogeant à Marseille puis à Paris, ironise et se réjouit des réponses qu’il leur apporte ? Celles-ci tiennent en un acronyme de sa fabrication, et dont il se montre très fier : « D.A.S. », comme droit au silence. Il le répète à des dizaines de reprises, s’en amuse, se demande si cela lui vaudra une notoriété sur Wikipédia.

C’est pour contrer la stratégie de sa défense que les deux procureurs fédéraux ont demandé la diffusion de plusieurs heures d’interrogatoires réalisés en France, après l’arrestation de l’intéressé, le 30 mai 2014 à la gare routière de Marseille, six jours après l’attentat qui a fait quatre morts à Bruxelles. MM. Bernard Michel et Yves Moreau voulaient montrer au jury ce qu’ils estiment être le vrai visage de Nemmouche.

Durant des heures, les jurés, les treize avocats présents, les magistrats et le public découvrent donc des images fixes et des mots, souvent incompréhensibles parce que masqués par le bruit d’un clavier d’ordinateur. Chemise ceintrée dévoilant une carrure de sportif, tête penchée alternativement à gauche et à droite, bras croisés sur la poitrine, l’homme qui répond à un feu roulant de questions n’accepte de dévoiler que son identité, son état civil, et sa double nationalité française et algérienne. Il dit ne posséder ni téléphone ni adresse courriel. Pour le reste, il invoque son « D.A.S. ». Me Adrien Masset, avocat du Musée juif, soulignera, vendredi, que le fait d’invoquer ce droit peut être considéré comme une preuve de culpabilité.

« Est-ce une attitude cohérente ? »

Les armes retrouvées en possession de Nemmouche à Marseille, quand il est cueilli par des douaniers ? « Je n’ai rien à dire », répond l’accusé. Les coupures de journaux évoquant l’attentat qui étaient en sa possession ? Pour une fois, il s’emporte, et nie toute participation à l’attentat. La revendication de l’acte terroriste qui semble être sa réalisation ? « D.A.S ». Admire-t-il le tireur ? « D.A.S ». Juge-t-il légitime que la communauté juive ait été visée ? « D.A.S. » Croit-il à la thèse d’un complot ourdi par le Mossad ? « D.A.S ». Que pense-t-il de Mohamed Merah ? « D.A.S. » Pourquoi Bruxelles ? « Ça ne vous regarde pas, vous cherchez à savoir si d’autres vont passer à l’acte », lâche-t-il, assez maladroitement. Le 2 juin, il accepte de consulter les quotidiens qui évoquent l’attentat, même s’il explique que la presse, « c’est de la merde » et que, « par définition, elle ne raconte que des conneries ».

« On aura tout essayé, sans beaucoup de résultats », affirme devant la cour l’un des enquêteurs français qui a procédé aux interrogatoires. Les procureurs, eux, tirent des leçons de cette interminable séance de visionnage. Et soulignent que le prévenu n’a, à aucun moment, tenté de démontrer l’innocence qu’il clame aujourd’hui. « Est-ce une attitude cohérente pour une personne accusée, à tort selon elle, de quatre assassinats à caractère terroriste ? », interroge l’un des procureurs.

Me Sébastien Courtoy, l’un des avocats de Nemmouche, tente de contrer l’impression laissée par cette pénible séance. Il traque le détail, s’emporte, s’égare. Il souligne à nouveau que son client a surtout paru « soulagé » au moment de son arrestation. Qu’il n’a pas dégainé ses armes. Et que l’enquête aurait, décidément, été tronquée. « Ce que nous avons vu est la démonstration que le travail de la police et de la justice a été honnête », objecte le procureur Moreau.

La suite de ce procès-fleuve s’annonce un peu plus tendue encore, avec les premiers témoignages et la promesse de la défense de les démonter un à un lorsqu’ils sont défavorables à un accusé que, pourtant, bien des indices accablent.