Lycéens, étudiants, professeurs, parents, jeunes diplômés… « Le Monde » vous donne rendez-vous en 2019 le 5 février à Marseille, puis à Nancy, Paris et Nantes pour de nouvelles éditions des événements O21/S’orienter au XXIe siècle. Des conférences, des ateliers et des rencontres inspirantes pour penser son avenir et trouver sa voie. Plus d’informations ici.

Le chef Tomy Gousset, 38 ans, ici le 19 septembre 2016, a obtenu une première étoile pour son deuxième restaurant parisien, Tomy & Co. / GUILLAUME LECHAT

Son deuxième restaurant parisien, Tomy & Co, vient d’obtenir une première étoile au guide Michelin. Tomy Gousset, 38 ans, a découvert la cuisine à 23 ans après des études d’économie. Un milieu compétitif, où ses origines cambodgiennes étaient parfois lourdes à porter : « les gens ne vous prédestinent pas à avoir une jolie carrière, et ce, avant même de vous connaître ». Il raconte son parcours atypique pour les conférences O21 du Monde.

Pourquoi accepter de témoigner pour aider les jeunes à trouver leur voie ?

Certains jeunes peuvent se sentir perdus dans leur orientation, je l’ai été moi-même à leur âge. A 15 ans, je ne savais pas que j’étais fait pour un métier manuel. Je pense d’ailleurs avoir été mal conseillé à l’école. Notre société nous pousse vers des métiers intellectuels et dénigre les autres. Ce n’est pas simple d’assumer le choix d’un métier où l’on gagne sa vie avec ses mains alors qu’il y a en a de très beaux : cuisinier, pâtissier, menuisier, ébéniste… Je perçois cette difficulté chez les jeunes qui viennent nous voir pour travailler au restaurant. Certains se sont perdus dans des études classiques et ne savent plus vraiment ce qu’ils veulent faire.

Quel a été votre parcours ?

Mon parcours est atypique. Après un bac STT [Sciences et technologies tertiaires, maintenant STMG], je suis allé à l’université en pensant vaguement faire un métier de transmission comme professeur des écoles. J’ai fait des études d’économie tout en sentant bien, au fil des années, que ce n’était pas vraiment fait pour moi.

Comment avez-vous eu un déclic pour changer de voie ?

A l’âge de 23 ans j’ai vu à la télévision, complètement par hasard, un documentaire sur l’école de cuisine gastronomique Ferrandi… Et je me suis dit pourquoi pas ! C’était plus une réflexion intérieure qu’un déclic : J’étais à un moment de ma vie où il fallait que je me prenne en main pour trouver quelque chose qui me corresponde. Mes études ne me plaisaient vraiment pas.

Aviez-vous déjà cuisiné ?

Paradoxalement non ! Je n’avais, à l’époque, aucune expérience en cuisine. Je n’avais jamais tenu un couteau de ma vie et aucun membre de ma famille ne travaillait dans la restauration. Ma mère, d’origine cambodgienne, avait essayé de faire à la maison, comme elle le pouvait, de la cuisine française, mais sa spécialité était évidemment les plats asiatiques. Avec sept enfants, elle devait chaque jour faire de grosses préparations. Cet amour du partage lors d’un repas, par contre, elle me l’a transmis dès mon enfance.

Vous avez longtemps été appelé « le Chinois » en cuisine. En visant l’univers de la gastronomie française, avez-vous eu l’impression de briser un plafond de verre ?

Je n’ai pas peur de dire que personne, au départ, ne pariait sur moi qui suis d’origine cambodgienne. J’ai dû me convaincre de persévérer et effectivement travailler très dur pour briser ce plafond de verre. Cela a été difficile de s’imposer.

Le chef Yannick Lahopgnou – d’origine camerounaise – a raconté que votre amitié était née alors que vous étiez « les deux seuls “bronzés” » aux fourneaux. Comment avez-vous vécu cette différence ?

Yannick fait référence à l’époque où nous travaillions tous deux dans un restaurant trois étoiles. Ce n’est pas facile d’être différent dans une cuisine. Les gens ne vous prédestinent pas à avoir une jolie carrière, et ce, avant même de vous connaître. Pour combattre ces clichés, il a fallu travailler bien plus d’heures que les autres, commencer avant le matin et terminer après le soir. Travailler deux, trois fois plus dur. J’ai d’ailleurs une anecdote assez drôle : je me suis réellement fait remarquer quand j’ai commencé à jouer au foot avec mes collègues. Ce n’est pas vraiment grâce à mes qualités de cuisinier mais plutôt grâce à celles de joueur que les responsables ont vu que j’étais un fonceur. Et c’est là que j’ai commencé à être accepté en cuisine.

Vous avez décliné un poste auprès d’un chef étoilé pour vous lancer à votre compte. Était-ce facile de prendre cette décision ?

J’aurais pu, en effet, continuer dans un restaurant à côté d’un grand chef étoilé. Mais il m’a semblé que cette situation allait me limiter pour trouver ma propre liberté d’expression. Forcément il y a des moments de doute, je ne prends pas toujours les bonnes décisions et j’ai connu bien sûr des échecs. Mais j’ai fait une telle introspection pour trouver ma voie, en cherchant à identifier mes qualités et mes défauts – qui sont bien plus nombreux que mes qualités d’ailleurs ! –, que cela m’a donné une certaine assurance. J’ai découvert que j’étais un meneur d’hommes, plus leader que patron. Je suis persévérant, courageux et j’anticipe énormément, ce qui est très utile dans l’univers de la cuisine.

A chaque passage important de votre vie, vous vous êtes rajouté un tatouage, dont une étoile prémonitoire il y a dix ans. Une manière de vous affirmer ?

Ces tatouages le long de mes bras, arrivés année après année, ont pu m’encourager, me donner un peu de force. Comme le grand poisson japonais qui remonte à contre-courant sur mon bras gauche. Ces tatouages sont une manière de cultiver ma différence.

Quelles qualités recherchez-vous chez les jeunes que vous embauchez ?

Je regarde la façon d’être d’une personne. Evidemment nous faisons aussi des essais en cuisine, mais ce qui m’intéresse le plus n’est pas le CV. Je recherche des compétences et une ouverture d’esprit. Les voyages qu’une personne aura faits comptent aussi énormément car c’est une formidable façon pour s’ouvrir, stimuler tout simplement l’esprit et apporter de la créativité. Aujourd’hui, beaucoup de personnes se présentent à moi après une formation démarrée à 25, 26 ou 27 ans. Je suis ouvert à de tels profils, car ils ont une autre culture et de nouvelles choses à apporter à une équipe.

Quel meilleur conseil vous a-t-on donné et que vous auriez envie de transmettre aujourd’hui ?

Croire en ses projets et ne pas avoir peur de l’échec. Si on n’essaie pas, on ne saura jamais. Je conseille donc aux jeunes de toujours essayer.

Participez aux conférences O21 du « Monde » en 2019

Pour aider les lycéens, les étudiants, les jeunes diplômés, les personnes en quête de ré-orientation à trouver leur voie, « Le Monde »  organise la troisième saison des événements O21 / S’orienter au 21e siècle.

- A Marseille, le mardi 5 février 2019, au Silo (2e). Entrée libre sur inscription : cliquez ici pour télécharger votre invitation

- A Nancy, le jeudi 28 février 2019, au Centre Prouvé. Entrée libre sur inscription : cliquez ici pour télécharger votre invitation

- A Paris, le samedi 6 et le dimanche 7 avril, à Ground Control (12e). Entrée libre sur inscription : cliquez ici pour télécharger votre invitation

- A Nantes, le 17 décembre 2019, à la Cité des congrès. Entrée libre sur inscription : cliquez ici pour télécharger votre invitation

Dans chaque ville, les conférences permettent au public de bénéficier des analyses et des conseils, en vidéo, d’acteurs et d’experts du monde qui vient, et d’écouter et d’échanger avec des acteurs locaux innovants : responsables d’établissements d’universités et de grandes écoles, chefs d’entreprises et de start-up, jeunes diplômés, etc. Des ateliers pratiques sont aussi organisés.

En images : les temps forts d’O21, nos conférences pour s’orienter au 21e siècle, à Nancy