Usine Nissan à Sunderland, dans le nord-est de l’Angleterre, le 12 novembre 2014. / OLI SCARFF / AFP

L’annonce a fait l’effet d’un électrochoc dans un Royaume-Uni déboussolé par le Brexit. Le constructeur automobile japonais Nissan est revenu dimanche 3 février sur la décision prise en 2016 de fabriquer la nouvelle génération du X-Trail, son gros SUV de sept places, dans son usine de Sunderland (nord-est de l’Angleterre). « Le X-Trail pour le marché européen sera produit dans l’usine de Kyushu, au Japon », a déclaré Nissan dans un communiqué. « Nous avons pris cette décision pour des raisons industrielles et commerciales, mais l’incertitude persistante autour des futures relations du Royaume-Uni avec l’Union européenne [UE] n’aide pas des entreprises comme la nôtre à planifier l’avenir », a souligné Gianluca de Ficchy, le président de Nissan Europe.

L’affaire est plus que symbolique. Nissan-Sunderland est un fleuron industriel britannique : précurseur de cette vague d’usines automobiles étrangères (en particulier japonaises) qui a parsemé le Royaume-Uni à partir de la fin des années 1980, plus gros site automobile du pays, modèle de productivité, principal investissement de Nissan en Europe… L’usine, qui produit les SUV Qashqai et Juke ainsi que la Leaf électrique et des modèles de luxe Infinity, emploie plus de 7 000 personnes et sort 500 000 véhicules par an, dont 55 % sont exportés vers l’UE.

En 2016, quelques mois après le référendum britannique ayant décidé la sortie de l’Union, la première ministre Theresa May et le patron alors de Nissan, Carlos Ghosn (aujourd’hui en prison au Japon pour malversations financières) s’étaient mis d’accord pour pérenniser le site et faire fabriquer la quatrième génération du X-Trail au Royaume-Uni plutôt qu’au Japon.

Inquiétudes

Chacun alors avait rassuré l’autre : Mme May sur le maintien d’un climat favorable aux affaires outre-Manche, M. Ghosn sur sa volonté de continuer son aventure industrielle à Sunderland. La cité de 275 000 habitants est d’ailleurs à elle seule un symbole de la schizophrénie qui s’est emparée des Britanniques à l’occasion du référendum sur le Brexit. Alors que son économie s’articule autour de la gigantesque usine de Nissan, la ville a voté à 61 % en faveur du Brexit en juin 2016.

Nissan s’est voulu rassurant dans son communiqué du 3 février, expliquant que les futures générations de Qashqai et Juke seraient bien, comme prévu, produites à Sunderland. Pourtant, les regards se tournent, inquiets, vers les autres constructeurs automobiles. « J’ai bien peur que Nissan ne soit qu’un début et que Honda, Toyota, BMW et les autres réduisent aussi leurs opérations au Royaume-Uni », a déclaré Vince Cable, leader du parti libéral-démocrate et grand opposant au Brexit.

L’inquiétude des dirigeants de l’industrie est en tout cas palpable. Ford a chiffré à 800 millions de dollars (699 millions d’euros) le coût pour l’entreprise en 2019 d’un divorce sans accord. Jaguar Land Rover et BMW ont prévu des arrêts de production après 29 mars, la date programmée de sortie du Royaume-Uni de l’UE, et Toyota a mis en garde sur une interruption temporaire de sa production en Angleterre en cas de « no deal ».