La loi anticasseurs qui doit être votée mardi à l’Assemblée nationale crée une ligne de fracture chez les députés de la majorité. Plusieurs élus de La République en marche (LRM) ont ainsi fait savoir qu’ils allaient s’abstenir, et voire qu’ils réfléchissaient à voter contre cette proposition de loi. En cause : l’article 2 du texte, qui prévoit la possibilité pour les préfets de prendre une interdiction administrative de manifester à l’encontre de toute personne qui « constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ».

Le député Matthieu Orphelin écrit dans un communiqué, lundi 4 février, que « la nouvelle interdiction administrative de manifester [lui] pose problème sur la liberté fondamentale de manifester, au cas où elle viendrait à être mal utilisée par un futur régime mal intentionné, par exemple d’extrême droite ».

Malgré d’autres mesures du texte, que l’élu du Maine-et-Loire juge « efficaces » (nouveau délit de dissimulation volontaire du visage, possibilité de fouilles), il s’abstiendra mardi, en « espérant » de nouvelles évolutions sur ces interdictions préalables de manifester.

Article « liberticide »

Aurélien Taché, député du Val-d’Oise, a lui déclaré, dans Le Journal du dimanche, qu’il s’abstiendrait « en l’état ». « On ne peut pas mettre la restriction de liberté comme un principe », faute de quoi « on met le doigt dans quelque chose qui pourrait conduire à des dérives », a-t-il insisté, lundi, sur LCP.

D’autres députés LRM vont s’abstenir, comme Paula Forteza (Français de l’étranger). Martine Wonner (Bas-Rhin) ne votera pas non plus la proposition de loi LR : elle s’abstiendra, voire votera contre, a-t-elle indiqué à l’Agence France-Presse.

Sonia Krimi (Manche) prévoit de voter contre ce texte, qui « n’aide pas à la cohésion sociale », et essaie de « convaincre » des collègues, a-t-elle déclaré à l’AFP. Elle juge l’article sur les interdictions administratives de manifester « liberticide », « contraire à la Déclaration des droits de l’homme » et « inutile ».

Pas d’exclusion

Interrogé sur ces votes contestataires, le ministre des relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a jugé sur le site de L’Opinion que « c’est un peu dommage » car « il y a eu un travail intéressant entre le gouvernement et le Parlement, en particulier avec la majorité », afin que « le texte soit d’une part le plus opérationnel et d’autre part tienne compte de l’exigence que nous avons tous de tenir les libertés individuelles ». Chaque parlementaire est libre de son vote, souligne-t-il aussi : « On n’est pas là pour être des gardes-chiourmes, chacun est en situation de responsabilité. »

Le délégué général de LRM, Stanislas Guerini, a confirmé sur Franceinfo que les députés qui voteront contre le texte ne seront pas exclus. « Je ne suis pas en position de censeur », a-t-il souligné, ajoutant que ses collègues jouissent « toujours » de la liberté de vote. « Ce n’est pas malsain que dans un groupe parlementaire des voix dissonantes puissent s’exprimer. »