Jean-Dominique Senard lors d’une conférence de presse le 24 janvier 2019 au siège de Renault, à Boulogne-Billancourt, près de Paris. / Christophe Ena / AP

Le conseil d’administration de Nissan a proposé, mardi 5 février, la nomination du nouveau président de Renault, Jean-Dominique Senard, au poste d’administrateur laissé vacant par Carlos Ghosn, emprisonné au Japon pour des soupçons de malversations financières.

Cette désignation ne sera toutefois effective qu’après l’approbation des actionnaires lors d’une assemblée générale extraordinaire dont la date a été fixée au 8 avril, selon un communiqué du constructeur automobile japonais.

A cette occasion, les actionnaires seront aussi appelés à voter la destitution de M. Ghosn et de son bras droit Greg Kelly, a précisé Nissan. Tous deux ont déjà été démis de leurs fonctions, dont celle de président du conseil d’administration pour M. Ghosn, peu après leur interpellation le 19 novembre à Tokyo ; mais ils gardent leur titre d’administrateur tant que l’assemblée générale n’a pas acté leur éviction. Le groupe n’a pas prévu, à ce stade, de remplacer M. Kelly.

« Un homme avec qui on peut discuter »

Jean-Dominique Senard, actuellement président de Michelin (jusqu’à la fin de son mandat, en mai 2019), a été nommé président de Renault le 24 janvier. Cette nomination a été saluée par le patron exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, qui considère M. Senard comme un homme « avec qui on peut discuter ».

Aucun successeur à M. Ghosn n’a pour l’instant été nommé à la tête du conseil d’administration. M. Saikawa pensait initialement assurer l’intérim, selon les médias japonais, mais il a finalement préféré temporiser. Le choix du nouveau président n’interviendra probablement pas avant juin, une fois reçues les conclusions du comité chargé d’améliorer la gouvernance, dont l’affaire Ghosn a révélé les lacunes, avait précisé M. Saikawa en janvier. Lui-même passera ensuite le relais, avait-il dit.

Ce comité s’est déjà réuni deux fois pour tenter « d’identifier les raisons profondes [qui se cachent] derrière les graves agissements » dont Nissan accuse son ancien sauveur. « Une concentration excessive d’autorité dans les mains d’une seule personne, c’est ce qui a mené à cette situation. Pourquoi les actes de M. Ghosn n’ont-ils pas été stoppés sur une aussi longue période ? », soulignait récemment le président du comité, qui doit remettre son rapport fin mars.

« Affaire de trahison »

Le bâtisseur de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, qui cumulait la présidence des trois compagnies avant cette affaire, a été inculpé pour abus de confiance et minoration de revenus aux autorités boursières sur la période 2010 à 2018. Dans un entretien accordé la semaine dernière à l’Agence France-Presse et au quotidien économique français Les Echos dans un parloir du centre de détention de Tokyo où il est incarcéré, M. Ghosn avait dénoncé « une affaire de trahison ».

Selon lui, on a voulu l’éliminer du jeu car il voulait créer une société holding contrôlant Renault, Nissan et Mitsubishi Motors. Il en avait discuté avec M. Saikawa, et « il y avait beaucoup d’opposition et d’anxiété sur le projet d’intégrer les compagnies », assurait le détenu de 64 ans.