La petite troupe bourdonne sous les lustres du salon cristal de l’Hôtel Lutetia, qui vient d’ouvrir ses portes après quatre ans de travaux. En ce glacial mercredi d’hiver, le 30 janvier, étaient, comme chaque année depuis vingt ans, conviés à déjeuner par L’Express et RTL les auteurs les plus lus de l’année : Amélie Nothomb, Joël Dicker, Guillaume Musso, Delphine de Vigan, ou encore Alice Zeniter…

François Hollande (Les Leçons du pouvoir, Stock, 2018) a retrouvé l’ancien chef d’état-major des armées, le général de Villiers (Qu’est-ce qu’un chef ?, Fayard, 2018), qui a affronté Emmanuel Macron sur le budget de la défense avant de démissionner, en 2017. L’ex-ministre de la culture Françoise Nyssen, éditrice de Nicolas Mathieu (prix Goncourt 2018), a été placée à la même table. Trois grands brûlés du macronisme. « Ah, si on nous avait dit il y a deux ans, quand nous préparions des opérations, qu’on se retrouverait tous les deux ici, on aurait éclaté de rire ! », glisse le général de Villiers à François Hollande.

Entre le saumon fumé aux baies roses et la volaille, les deux hommes échangent avec gourmandise sur le succès de leurs ouvrages et leurs séances de signatures. Pour l’ex-président, la plus longue a duré sept heures. Pour le général, quatre heures et demie. « J’ai toujours fait attention à avoir un peu moins de monde que vous, plaisante-t-il. Quitte à demander à 50 militaires de ne pas venir… » « Les militaires sont plus nombreux et disciplinés que les socialistes », ironise Hollande.

« Trouver des lecteurs »

L’un comme l’autre disent avoir senti monter la colère, bien avant la crise des « gilets jaunes ». « L’humeur du pays a changé, raconte de Villiers. A l’automne 2017, les gens étaient optimistes. A Noël, ils doutaient. Au printemps 2018, la colère commençait à poindre. Et à l’automne, les propos des lecteurs devenaient violents, à titre personnel, contre Emmanuel Macron. » Hollande acquiesce. L’un d’eux évoque les confidences glaçantes d’une paisible retraitée au sujet du chef de l’Etat : « S’il était devant moi, je l’étranglerais ! » La table se fige. Françoise Nyssen fronce les sourcils : « Ne nous réjouissons pas de cette violence ! C’est le pire de Facebook et de Twitter qui descend dans la rue… ! »

Le général de Villiers, qui fait trois conférences par semaine, raconte qu’un lecteur sur deux lui demande d’entrer en politique, mais que ce n’est pas sa « vocation ». Il ajoute : « Trois choses corrompent l’être humain : le pouvoir, l’argent et le sexe. On le sait bien dans l’armée, car on connaît les faiblesses de ses ennemis. » A propos de son propre avenir, François Hollande, lui, s’échappe, comme souvent : « Trouver des lecteurs, c’est comme trouver des électeurs, ce n’est pas si simple et ça ne peut pas être un substitut… »