Angela Ahrendts, à San Francisco, le 19 mai / Eric Risberg / AP

La nouvelle a fait sensation. Apple a annoncé, mardi 5 février au soir, le départ de la responsable des Apple Stores Angela Ahrendts. Elle était l’une des figures les plus en vue de la firme de Cupertino. Et de l’avis de certains, peut-être la mieux placée des dirigeants d’Apple pour succéder à Tim Cook, à la tête de la société depuis plus de vingt ans.

Dans un communiqué, la compagnie explique qu’elle quittera la société en avril pour « des nouveaux projets personnels et professionnels ». Elle sera remplacée par l’actuelle directrice des ressources humaines, Deirdre O’Brien, qui cumulera les deux postes.

Avant d’arriver chez Apple, Mme Ahrendts a mené une longue carrière dans la mode et le luxe qui l’a conduit à diriger Burberry : en huit ans (2006-2014), elle a réussi à dépoussiérer l’enseigne britannique dont les ventes vont plus que doubler sous sa direction. Quand Tim Cook vient la chercher en 2014, Apple est à la recherche d’un chef de la distribution depuis près d’un an. La patronne de Burberry lui oppose d’abord un refus : « A cette époque j’avais le meilleur poste du monde », se justifie-t-elle. « Je ne suis pas une “techo” », fait-elle valoir au Californien. « Des profils techno, on en a des dizaines de milliers », lui renvoie-t-il.

Les codes des boutiques de luxe

Elle finit par céder à la cour du patron d’Apple, et au pont d’or qui lui est offert : en cinq ans, elle va gagner pas moins de 172 millions de dollars (151 millions d’euros). Son recrutement est accueilli favorablement par les analystes et les observateurs. Pour son profil international et sa bonne connaissance de la Chine ; pour son souci à soigner autant la distribution physique que digitale. « Elle a la même obsession que nous de l’expérience client », plaide pour sa part Tim Cook.

Ce recrutement est également lu comme le signe qu’Apple veut de plus en plus prendre un virage vers la mode et le luxe, être plus « life style » que purement technologique. Déjà en 2013, le groupe américain avait recruté le dirigeant d’Yves Saint Laurent, le Belge Paul Deneve, pour lui confier un poste de vice-président des projets spéciaux.

En effet, sous la houlette d’Angela Ahrendts, les Apple Store vont de plus en plus adopter les codes des boutiques de luxe. En témoigne par exemple le nouveau magasin ouvert par la marque à la pomme sur les Champs-Elysées, en décembre 2018, que ne dédaignerait aucun joaillier ou maison de haute couture. En cinq ans, le nombre des Apple Store dans le monde a augmenté d’un quart (506 à ce jour), et ces magasins sont considérés comme les surfaces commerciales les plus rentables au mètre carré dans le monde.

Temps d’attente trop long

Angela Ahrends imprime aussi une nouvelle philosophie à ces magasins. Les espaces sont repensés pour permettre de dispenser des formations à la prise de photo, au dessin sur tablette, à l’apprentissage du code… « Dans les Apple Store, les clients ont la garantie d’avoir un service premium pour un produit payé à un prix premium », selon Francisco Jeronimo du cabinet IDC, qui y voit un outil efficace de fidélisation… quand bien même moins d’un iPhone sur dix est acheté dans ces lieux.

Un avis que ne semblent pas partager tous les consommateurs. De plus en plus se plaignent que les Apple Store sont surpeuplés, les temps d’attente trop long. Un point de vue qu’endosse Carolina Milanesi du cabinet Creative Strategies « Il ne fait aucun doute qu’Angela Ahrendts a apporté beaucoup de changements positifs chez Apple, mais je ne suis pas sûre qu’elle ait été en mesure de résoudre le fond du problème, à savoir comment faire face au volume énorme du trafic dans les magasins. » « C’est difficile de vouloir à la fois créer des magasins ouverts à tous, qui sont pratiquement des attractions touristiques, tout en assurant une expérience supérieure aux clients qui sont là pour acheter des produits », abonde Annette Zimmermann du cabinet Gartner.

Un problème qu’il est probablement urgent de régler à un moment où les ventes des produits du groupe subissent un coup de ralentissement : lors du dernier trimestre 2018, les ventes d’iPhone ont rapporté 15 % de moins que sur la même période l’année passée.

Quel avenir pour Angela Ahrends désormais ? Dans une récente interview au magazine Vogue, elle indiquait : « Il y a des choses dans l’industrie de la mode qui me manque. » Peut-être un indice sur sa prochaine destination. Classée 13e femme la plus puissante en 2018 par le magazine Forbes, elle ne devrait guère peiner à rebondir.