A Manchester, le 20 novembre 2018. L’enseigne britannique House of Fraser a été déclarée en faillite l’année dernière. / Phil Noble / REUTERS

Voilà qui s’annonce comme l’une des traductions les plus concrètes du ralentissement conjoncturel à l’œuvre en Europe : le nombre de faillites d’entreprises devrait repartir à la hausse, cette année, sur le Vieux Continent. Les dernières prévisions de l’assureur-crédit Coface, publiées mardi 5 février, s’en font l’écho. Une augmentation des liquidations judiciaires est prévue dans 20 pays, sur les 26 analysés par Coface.

En réalité, deux grands phénomènes se conjuguent. D’un côté, la décélération de l’activité, déjà bien engagée depuis la seconde moitié de 2018. Mais aussi le risque politique qui ne cesse de monter partout en Europe, du Brexit à la menace d’élections anticipées en Espagne ou en Italie, en passant par la fronde sociale des « gilets jaunes » en France.

« Il s’agit d’une période normale de retournement de cycle après une longue expansion industrielle, fait remarquer Julien Marcilly, économiste en chef de Coface. Mais c’est aussi la première fois depuis 2011 et la crise des dettes souveraines que les entreprises vont devoir naviguer entre ces deux écueils, conjoncturel et politique. » Si la querelle commerciale entre les Etats-Unis et la Chine ajoute une touche à ce tableau des incertitudes, « l’Europe et ses entreprises sont avant tout pénalisées par des problèmes intestins », précise M. Marcilly.

Le Royaume-Uni est en première ligne, en cette année placée sous le signe du Brexit. Le volume des dépôts de bilan devrait augmenter de 8 %. La tendance était déjà à la hausse en 2018, tandis que plongeaient à l’unisson la livre, la confiance des ménages et la consommation. Certaines faillites ont alors fait grand bruit, de la chaîne de grands magasins House of Fraser au célèbre disquaire HMV.

Une fois le divorce acté avec l’Union européenne (UE), le secteur privé risque de continuer à payer les incertitudes persistantes sur le futur de la relation commerciale entre les Britanniques et le reste de l’Europe. Mais bien pire encore serait, pour les entreprises, le scénario d’un Brexit sans accord. Euler Hermes, grand concurrent de Coface, prédit une hausse des défaillances de 15 % au Royaume-Uni en cas de sortie désordonnée.

Les perspectives ne sont guère plus encourageantes pour l’Italie, tout juste entrée en récession. La défiance des marchés, la fragilité de la coalition gouvernementale composée de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (antisystème) et les tensions entre Rome et Bruxelles pèsent sur l’économie et les entreprises. Après quatre années de reflux, le nombre de défaillances, dans la Péninsule, devrait bondir de 7 % en 2019. Très au-delà de la hausse moyenne escomptée pour l’Europe de l’Ouest (+ 2,4 %).

En France aussi, les liquidations judiciaires seront en augmentation, bien que plus modestement (+ 1 %). Ce retournement de tendance a commencé à s’installer fin 2018, alors que la croissance ralentissait nettement. L’impact du mouvement des « gilets jaunes » reste encore à déterminer, même si Coface note déjà « un lien » entre ce mouvement social et « le recul des commandes de biens d’équipement en France (…) depuis novembre ».

Les défis du secteur automobile

L’Europe de l’Est est également concernée par ce rebond des défaillances, avec une hausse de 6,5 % attendue cette année. Des facteurs spécifiques aux pays de la région jouent ici, tels que la hausse des coûts salariaux et la pénurie de main-d’œuvre, mais aussi l’introduction de nouvelles lois sur les faillites.

Plus globalement et un peu partout en Europe, souligne M. Marcilly, « la fin de cycle crée des problèmes, notamment pour les plus petites entreprises et surtout dans l’industrie ». Parmi les secteurs les plus affectés, l’automobile se distingue. Après huit ans de croissance sur les principaux marchés, le secteur affronte de multiples défis. Coface cite la concurrence accrue symbolisée par la montée en puissance de la voiture électrique, la nécessité de s’adapter aux nouvelles normes environnementales et aux modes de vie des consommateurs, ou encore l’arrivée à maturité du marché chinois.

Là encore plane un risque politique majeur avec les menaces récurrentes du président américain Donald Trump de taxer les importations de voitures européennes. S’il passait à l’acte, l’automobile allemande serait durablement ébranlée.