Guy et David Auvray, le père et le fils, sont les propriétaires de l’agence immobilière Alvimmo, qui a pignon sur rue à Palaiseau, dans l’Essonne. Mercredi 6 février, ils ont été reconnus par le tribunal d’Evry coupables de discrimination à l’occasion de locations. Affiliée à la Fnaim, l’agence gère un portefeuille de 480 biens en location.

L’affaire a beaucoup tardé à être jugée, puisqu’elle a été révélée en janvier 2006 par l’une des salariés venue en remplacement. Lors de sa toute première journée de travail, Guy Auvray lui donne la consigne suivante : « Je vous préviens, je ne veux pas de locataires blacks, pas d’Arabes, pas de japs… Tout ce qui n’est pas blanc, je n’en veux pas. » La candidature de treize locataires d’origine étrangère, aux dossiers pourtant solides, a en effet été systématiquement écartée.

Ainsi, en octobre 2005, Sylvie Bernhardt et son conjoint, Salissou Issa, d’origine togolaise, tous deux ingénieurs aux revenus confortables de plus de 5 000 euros par mois et forts de trois garants, se sont vu, au dernier moment, refuser de signer le bail d’un appartement au motif que la propriétaire souhaitait, finalement, le louer à son neveu : un mensonge, comme le révélera l’enquête. Des amis du couple évincé, aux noms à consonnance française, se portent alors candidats pour le même appartement… redevenu disponible ! A Tarik Meziane, maître de conférences en biologie au Muséum d’histoire naturelle, Guy Auvray a expliqué que l’assurance contre les loyers impayés avait refusé son dossier. Yassin Kadri, informaticien, a eu droit au même argument de rejet.

3,3 % des baux accordés à des personnes d’origine étrangère

Choquée par ces méthodes, la négociatrice, sur les conseils de SOS Racisme, a enregistré en caméra cachée les propos de David Auvray qui lui conseillait de s’abriter derrière un prétendu refus de l’assureur. La vidéo a été diffusée par France Télévisions le 24 février 2006. Interrogé par les enquêteurs, un autre employé déclarait avoir entendu Guy Auvray dire : « Il ne faut jamais louer à des Asiatiques car, quand on leur loue un appartement, ils se mettent à quinze. »

Au cours de l’instruction et de l’audience, les deux agents immobiliers ont nié cette discrimination, arguant, baux à l’appui, avoir fréquemment loué à des personnes étrangères. « Seuls 3,3 % des baux avaient été consentis à des personnes d’origine diverses, tous les contrats communiqués, en contre-exemple, ont été signés postérieurement aux plaintes et à la diffusion du reportage », remarque le juge d’instruction dans l’ordonnance de renvoi.

Mercredi, Guy et David Auvray ont donc été respectivement condamnés à quatre et deux mois de prison avec sursis, au versement solidaire à trois associations parties civiles (SOS Racisme, la Maison des potes et la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme) de 4 000 euros de dommages et intérêts, plus deux fois 500 euros de frais de justice. Une seule victime, Alissou Issa, partie civile, présent à l’audience, a droit à 2 000 euros de dommages et intérêts.

« Ce résultat peut paraître décevant mais les faits sont anciens, remarque Samuel Thomas, vice-président de la Maison des potes. Il a fallu batailler pendant treize ans car nous avons dû contester un refus d’instruire, un classement… » Contactés, les deux agents immobiliers et leur avocat n’ont pas souhaité réagir, tout comme leur syndicat professionnel, la Fnaim.