Au Mondial des métiers, des établissements québécois vantent le « plein emploi ».

« La France a tellement d’enfants ! Elle peut bien nous en céder quelques-uns. Nous nous en occuperons bien ! » C’est le sous-titre du message que glisse le Québec aux lycéens et étudiants français qui se pressent, jeudi 7 février, au Mondial des métiers, un salon qui se tient jusqu’au dimanche 10 février à Eurexpo, à Lyon (Rhône). On y compte six établissements du Québec et deux agences – chaque année, la Belle Province prend plus d’ampleur dans ce salon régional.

Jeudi, ils sont six lycéens, âgés de 15 et 16 ans, à se bousculer devant le stand de Montréal international, l’agence de développement économique chargée d’attirer des jeunes au Québec. Au Mondial des métiers, il ne s’agit pas d’attirer des étudiants dans les grandes universités montréalaises – université de Montréal, université McGill… – mais surtout dans les collèges d’enseignement général et professionnel (Cégep), des établissements proposant des cursus post-bac un peu sur le modèle des IUT. Etablissements de proximités, les Cégep, qui accueillent de plus en plus d’étudiants étrangers, permettent d’intégrer, après deux ou trois ans d’études, le marché du travail, ou de bifurquer vers l’université.

La promesse de l’emploi

Geoffrey, Kyrian, Antoine, Maxime mitraillent de questions : quelles filières ? quel travail à la sortie ? combien ça coûte ? Michèle Kervadec, chargée de mission à la promotion de la formation professionnelle du Québec, répond et rassure les intéressés. « Je ne vends pas de rêves », glisse la chasseuse de têtes. Pourtant, la liste des métiers pour lesquels la Belle Province est en pénurie est longue comme le bras. Au bout de la formation, le Québec promet l’emploi, contrairement à la France, un pays où le taux de chômage des jeunes est de plus de 22 %.

« Au Québec, on trouve du travail en traversant la rue », assure Michèle Kervadec. Enfin, les études au sein des 48 « collèges » du Québec sont quasiment gratuits pour les Français, du fait d’un accord avec l’Etat (alors qu’ils coûtent jusqu’à 20 000 dollars par an pour les autres élèves internationaux), dans le but de maintenir la langue française.

Depuis plusieurs années, l’enseignement supérieur français – et en particulier les universités – a du mal à accueillir l’augmentation de la population étudiante. Entre la rentrée 2011 et celle de 2016, le nombre de nouveaux entrants dans l’enseignement supérieur français est passé de 420 000 à 480 000, soit un bond de 14 %. La hausse a continué à la rentrée 2017 et 2018. Les universités françaises poussent les murs – alors que de l’autre côté de l’Atlantique, certains établissements risquent de disparaître, faute d’élèves. Le Québec manque de bras, de cerveaux, de jeunesse. « Pour que nos écoles survivent, il nous faut plus d’élèves », reconnaît Kyra Robertson, conseillère à l’international du Cégep de Sept-Iles, sur les bords du Saint-Laurent.

Des établissements en péril

Pour certains Cégep, il y a urgence. A Baie-Comeau, petite ville d’environ 21 000 habitants à l’embouchure de la rivière Manicouagan, le collège accueillait jadis 1 200 étudiants. Ils ne sont plus que 650 aujourd’hui. Toutefois, l’hémorragie pourrait être plus grave encore. L’école compte 102 étudiants étrangers, dont 92 Français. Et plus les collèges sont éloignés des grands centres urbains, plus il est difficile d’attirer des volontaires. « La fermeture d’un collège, c’est des gens qui déménagent. La vie locale qui disparaît », témoigne Kyra Robertson.

L’appel du Québec semble fonctionner auprès des visiteurs lyonnais. Les plus jeunes d’abord, comme Geoffrey, en seconde, qui voit de multiples avantages : « Une aventure humaine dans un univers francophone, et l’occasion d’apprendre l’anglais sans immersion. » Kyrian, en seconde, y voit l’opportunité d’une expérience professionnelle ; Antoine celle d’une formation gratuite. Mais surtout, l’argument massue qui emballe les lycéens : l’emploi. La situation en France les inquiète. « C’est super flippant de se dire qu’on va faire deux ou trois ans d’études pour ne pas avoir de boulot à la fin », souligne Antoine. « Au Québec, c’est le plein-emploi », n’a pas manqué de rappeler Michele Kervadec. Même si les conditions qui vont avec sont moins avantageuses que dans l’Hexagone : protection sociale et retraite moins généreuses, jours de vacances bien moins nombreux…

Le Québec se veut aussi la terre de la seconde chance. Yliess El Yousfi, 18 ans, a eu son bac STMG en 2018. Il voulait faire de l’informatique, mais parmi ses vœux sur Parcoursup, il avait aussi mis, en fin de liste, un BTS tourisme. C’est ce que le système lui a attribué. « J’ai lâché après quelques semaines. » Alors que des lycéens français restent à la porte du cursus qu’ils souhaitent, les Cégep vantent leur ouverture : pas de prérequis pour commencer un cursus. Une chargée de recrutement confirme : « Il faut avoir 18 ans et le niveau bac. »

Partir, se former et travailler, c’est tout ce que souhaite Christine, 31 ans, au chômage malgré un BTS en bâtiment. « Vu la conjoncture en France je ne veux pas rester ici. Là-bas j’aurai une formation et par la suite un travail », espère la jeune femme, prête à traverser l’océan pour un pays qui lui ouvrira les bras de l’emploi.