Gala du Club Efficience à l’hôtel InterContinental Paris Le Grand, le 18 janvier 2019. / Club Efficience / Facebook

Elie Nkamgueu s’excuse. Il vient de « terminer une consultation » et doit enchaîner avec une autre. Le quotidien du chirurgien-dentiste de Champigny-sur-Marne (près de Paris), qui s’est donné pour mission de « structurer la diaspora afrofrançaise autour de son élite », est millimétré. Le Club Efficience qu’il a fondé en 2008 est devenu, dix ans plus tard, l’une des principales vitrines de la diaspora afrodescendante en France.

Ce vendredi 8 février sort la nouvelle édition, « bilingue cette fois-ci », de son Gotha noir d’Europe. Dans ce bottin élitiste, qui sera dévoilé à l’hôtel InterContinental Paris Le Grand, le Club Efficience recense près de 600 personnalités noires actives dans six pays européens. Ce trombinoscope est la production la plus tangible du club, qui se définit comme « le premier réseau économique panafricain de France et d’Europe ». A l’heure du tout-numérique, un annuaire en version papier a pourtant des allures d’objet d’un autre temps. Mais le président du club n’en a cure : cet outil sert à « mettre en lumière des réussites individuelles remarquables » de la communauté, dit le praticien d’origine camerounaise. Et à financer une partie des activités de son association.

Pensé à l’origine comme un classique cercle de cadres et dirigeants de la diaspora africaine et caribéenne de France, le club a peu à peu fait évoluer ses activités pour devenir un véritable lobby au service de cette diaspora. Il s’inspire du fonctionnement de certains groupes américains, notamment de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), un des avatars les plus connus de la lutte pour l’égalité des droits outre-Atlantique. Mais la ressemblance avec la NAACP s’arrête à la communauté concernée. Le club ne porte pas le fer dans l’espace public pour revendiquer des droits supplémentaires pour la communauté afrodescendante de France. Il se voit plutôt comme une caisse de résonance des « success stories » de la diaspora, donnant ainsi à la jeunesse des modèles de réussite.

Bourses et dîners d’affaires

« Valoriser la diaspora noire est utile pour faire tomber le mur de l’indifférence, de l’ignorance », affirme Pape Diouf, ancien président de l’Olympique de Marseille et l’un des signataires qui préfacent la nouvelle édition du Gotha noir d’Europe. Avant lui, de nombreuses personnalités, africaines ou non, se sont livrées à l’exercice : de Jean-Louis Borloo, ancien ministre français de l’écologie, à Rémy Rioux, l’actuel directeur général de l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique).

Outre la publication biennale de son annuaire, la vie du Club Efficience est rythmée par les nombreux dîners d’affaires organisés chaque année, les remises de bourses à des « jeunes méritants des quartiers défavorisés » et sa plateforme de mise en relation professionnelle, Efficience RH. Le financement n’est pas tabou, puisque le club s’est constitué sous forme d’association et que la vente du Gotha noir, à 50 euros l’unité, permet de financer l’essentiel des activités.

Fort de ses onze ans d’expérience, de ses « 700 membres, 15 000 sympathisants et 100 000 amis sur les réseaux sociaux » affichés sur son site Internet, Elie Nkamgueu estime que son club a permis de modifier le discours sur la diaspora en France. A tel point qu’il estime que celle-ci est désormais qualifiée de « force économique » et que « des programmes, des cadres institutionnels lui sont même destinés », ajoute-t-il en allusion au Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA).

Ce groupe, créé par le président Emmanuel Macron en 2017, a pour mission de capter les signaux faibles en provenance de la diaspora africaine et des sociétés du continent. En apparence concurrents sur le terrain français, le CPA et le Club Efficience collaborent en bonne intelligence, selon son fondateur : « Nous sommes complémentaires. On travaille en back-office pour eux, on produit des idées, il leur revient de piocher dedans. »

Créer un fonds d’investissement

Mais les idées ne suffisent plus pour avancer. Le club voudrait aller plus loin et lancer, courant 2019, un fonds d’investissement diasporique dédié aux PME africaines, l’Efficience Africa Fund. La création de ce fonds est devenue une évidence pour son président. En cause, les transferts d’argent vers l’Afrique subsaharienne, évalués à 38 milliards de dollars par la Banque mondiale en 2017 (toutes provenances confondues), qui « empêchent certes de sombrer mais ne permettent pas l’émergence », explique-t-il.

Le docteur Nkamgueu veut convaincre une partie de la diaspora de modifier ses habitudes d’envoi de fonds pour que ceux-ci soient réellement « productifs ». Il ne s’agit plus de montrer la diaspora sous son meilleur jour en France, mais bien d’utiliser cette « force économique » pour « transformer l’Afrique ». A sa lourde mission initiale, le club s’en attribue donc une autre, non moins vaste. Ce qui fait dire à Pape Diouf que c’est sans doute « louable mais peut-être trop ambitieux ».

Le Club Efficience voit dans la diaspora la panacée aux maux français et africains. Pape Diouf, qui salue la démarche du club, rappelle cependant que « la diaspora seule ne peut résoudre tous les problèmes de racisme en France et de pauvreté en Afrique, mais elle constitue une force non négligeable ».