Alexandre Bissonnette arrive au palais de justice à Québec, Canada, le 21 février 2017. / MATHIEU BELANGER / REUTERS

Le Canadien qui avait tué six fidèles dans une mosquée de Québec en janvier 2017, lors de la pire attaque contre un lieu de culte musulman en Occident, a été condamné vendredi 8 février à la prison à vie, sans possibilité de libération avant 40 ans.

Arrêté peu après la fusillade, le jeune Québécois Alexandre Bissonnette plaidait coupable des six meurtres. L’inconnue de ce jugement résidait dans le délai incompressible derrière les barreaux qui lui serait imposé par le juge.

« On est complètement estomaqués », a immédiatement réagi, la mine sombre, le président de la mosquée meurtrie, Boufeldja Benabdallah, après avoir consulté les proches et amis des victimes. « C’est la consternation et la surprise totale » face à un verdict jugé trop clément, a-t-il dit à la presse.

« J’ai été très déçu et surpris, à tel point que j’allais m’évanouir (...) j’aurais aimé que la justice soit rendue pour toutes les victimes », a de son côté déclaré un rescapé de l’attaque, Aymen Derbali. Atteint de plusieurs balles, aujourd’hui tétraplégique, ce jeune homme a expliqué qu’il s’attendait à ce que le meurtrier écope d’une période de sûreté d’au moins 50 ans.

« Haine viscérale des immigrants »

Les avocats de l’accusation demandaient une peine exemplaire de 150 ans de prison, demande qualifiée de « déraisonnable » et d’anticonstitutionnelle par le juge François Huot.

Une disposition du code pénal canadien, révisée en 2011, permet en théorie de cumuler les peines, mais le magistrat a estimé que « soumettre un meurtrier à une peine supérieure à son espérance de vie risqu[ait] de semer un doute quant à la crédibilité du système judiciaire ». Et, selon lui, va à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés, à valeur constitutionnelle.

Au terme d’un long prononcé de plus de six heures, le juge Huot a ainsi condamné M. Bissonnette à la prison à vie avec une période de sûreté de 40 ans : comme le jeune homme avait 27 ans lors de son arrestation, il ne pourra pas présenter une demande de libération conditionnelle avant ses 67 ans.

« La haine viscérale des immigrants de confession musulmane » animait le meurtrier, a regretté le juge. Ce « crime mérite la plus grande des dénonciations », a-t-il déclaré.

Crime « hautement prémédité »

A 19 h 55 le dimanche 29 janvier 2017, fusil à la main, Alexandre Bissonnette franchissait la porte principale de la mosquée de Québec et ouvrait le feu de sang-froid sur la quarantaine d’hommes et les quatre enfants qui bavardaient après la prière dans la grande salle du rez-de-chaussée. Six hommes tombent sous ses balles et cinq sont grièvement blessés. Les six musulmans tués étaient tous des binationaux ayant émigré au Canada : deux Algériens, deux Guinéens, un Marocain et un Tunisien. Informaticien, professeur d’université ou épicier, ils étaient tous intégrés à la vie québécoise depuis de longues années.

« Vous avez tué six de vos semblables, dont le crime était d’être différents de vous », a lancé le magistrat lors de son verdict. Veste de complet et chemise blanche, Alexandre Bissonnette a écouté à la barre le juge prononcer son verdict, le regard vers le sol. Présents parmi les 250 personnes du public, ses parents ont écouté la sentence en essuyant des larmes, tout comme plusieurs amis et proches des victimes.

Le jeune Québécois, ex-étudiant en sciences politiques séduit par les idées nationalistes et suprémacistes, a mené « une attaque préméditée, gratuite, sournoise et meurtrière », a résumé magistrat. L’attaque contre la mosquée de Québec « demeurera à jamais inscrite en lettres de sang dans l’histoire de cette ville, de cette province, de ce pays », a-t-il remarqué, soulignant que ce crime était « hautement prémédité ». « Les actes posés par Alexandre Bissonnette portent atteinte à nos valeurs sociétales fondamentales », a également accusé le magistrat dans un jugement de 246 pages.

La défense et l’accusation se sont abstenus dans l’immédiat de commenter le verdict. Les deux parties ont 30 jours pour interjeter appel.