Des manifestants se protègent des gaz lacrymogènes envoyés par les forces de l’ordre derrière une banderole durant la mobilisation des « gilets jaunes » à Toulouse, le 9 février. / ERIC CABANIS / AFP

Trois photographes qui couvraient la manifestation des « gilets jaunes », samedi 9 février à Toulouse, affirment avoir été « délibérément » visés par les forces de l’ordre. L’un deux a été blessé, notamment à la cuisse, par une grenade.

Photo de sa blessure à l’appui, Valentin Belleville, photographe indépendant de 26 ans, dénonce sur Facebook « une attaque des forces de l’ordre délibérée contre la presse ». « Comment continuer à documenter ce conflit historique avec la peur d’être ciblé par notre propre police, garante de notre sécurité, de nos droits ? », s’interroge le photographe, rattaché à l’agence Hans Lucas.

Plusieurs milliers de « gilets jaunes » – 6 000 selon la police – manifestaient samedi dans le centre de Toulouse, l’un des bastions du mouvement des « gilets jaunes ». La tension est montée dans l’après-midi place du Capitole, entre manifestants lançant des projectiles et policiers répliquant à coups de canon à eau et de gaz lacrymogènes.

« On était très visibles et très identifiables »

« On fait le choix de s’extraire des manifestants pour ne pas se trouver entre les forces de l’ordre et eux », a raconté dimanche à l’Agence France-Presse Ulrich Lebeuf, photographe de Libération à Toulouse, qui se trouvait avec Valentin Belleville et Eric Lerbret sur les lieux. Il a ajouté que tous les trois étaient accroupis. « On portait des casques siglés presse, des brassards de presse et du matériel de vue. On était donc très visibles et très identifiables », a-t-il précisé. « Nous [étions] tous trois complètement isolés. Les manifestants [étaient] à 50 mètres derrière, il n’y [avait] aucun danger pour les forces de l’ordre. [J’étais] le plus proche de la police, mes collègues [étaient] juste derrière moi », raconte Valentin Belleville sur Facebook.

Une « grenade » a alors explosé aux pieds de Valentin Belleville, a précisé l’intéressé à l’AFP, expliquant avoir été touché à l’arrière-cuisse et au fessier. Selon Ulrich Lebeuf, photoreporter depuis vingt ans, il s’agit d’une « grenade de désencerclement ». Dans une vidéo publiée par le site Actu Toulouse, on entend le cliquetis de la goupille et on voit l’explosion, à proximité des journalistes, loin de tout manifestant (à partir de 0 min 30 s).

Pour Eric Lerbret, le troisième photographe, il ne fait « aucun doute » qu’ils ont été ciblés. « Nous sommes conscients des risques que nous prenons en couvrant ces manifestations, mais notre responsabilité s’arrête au moment où nous sommes délibérément visés », a-t-il déclaré à l’AFP.

Signalement à l’IGPN

« Nous, photographes et vidéastes, sommes de plus en plus touchés, dans un contexte de montée en puissance des violences », depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », a-t-il estimé. « Je demande des explications. Pourquoi des journalistes identifiés ont-ils été visés ? On sent clairement une tension des forces de l’ordre envers les médias, ceux qui font des images », s’est insurgé Ulrich Lebeuf. Les trois photographes ont affirmé avoir fait un signalement à l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et ils vont porter plainte.

De son côté, la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de Haute-Garonne a indiqué à l’AFP qu’il n’y avait « pas d’éléments pour dire si, oui ou non, une grenade de désencerclement a été utilisée à cet endroit précis ». « Par contre, ce type de moyen a été utilisé avec des grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants sur la place du Capitole. Il n’est pas impossible que ce type de moyen ait pu arriver jusqu’aux pieds des photoreporters qui se trouvaient sur la place parmi les manifestants, selon la police. Des policiers avaient été agressés par des manifestants violents, des sommations ont été faites avant l’évacuation de la place du Capitole. »

Depuis le 17 novembre, la Ville rose constitue l’un des épicentres du mouvement des « gilets jaunes ». Les manifestations sont régulièrement marquées par des échauffourées entre forces de l’ordre et fauteurs de troubles, et par d’importantes dégradations dans le centre-ville. Samedi, la préfecture a fait état d’une personne blessée, ainsi que de quatre membres des forces de l’ordre. Dix-sept personnes ont par ailleurs été interpellées, dont 14 étaient toujours en garde à vue dimanche, de même source.