Le ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini, à Rome, le 11 février. / TIZIANA FABI / AFP

La victoire est si ample qu’elle risque de devenir embarrassante. Dimanche 10 février, lors de l’élection régionale dans les Abruzzes, le candidat soutenu par les listes de droite, Marco Marsilio (Fratelli d’Italia, post-fasciste), est arrivé largement en tête, frôlant même, selon les résultats encore partiels lundi matin, le seuil des 50 % des voix. Dans une région dont le chef-lieu, L’Aquila, ne s’est toujours pas remis des destructions du tremblement de terre d’avril 2009, et qui a été durement touchée par d’autres épisodes sismiques à la fin de l’année 2016, les premiers mots du vainqueur ont été pour rappeler la « priorité absolue » que devra être la reconstruction, alors que de nombreux chantiers sont à l’arrêt.

Au sein de la coalition, c’est la Ligue de Matteo Salvini (extrême droite) qui obtient le meilleur score. Avec plus de 28 % des voix, elle devance largement ses alliés locaux, Forza Italia (droite modérée, 9 %) et Fratelli d’Italia (6,5 %). Même si le résultat avait été annoncé par les sondages, l’ampleur de la poussée de la Ligue marquera les esprits : il y a moins d’un an, lors des élections législatives du 4 mars 2018, la formation de Matteo Salvini avait obtenu moins de 14 % des voix, et ce résultat avait été considéré comme très impressionnant. Par le passé, cette formation née au pied des Alpes n’avait obtenu ici que des résultats confidentiels.

Mais le phénomène le plus inattendu, et dont l’ampleur est telle qu’il pourrait bien avoir des répercussions au niveau national, c’est l’effondrement sans précédent du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème), qui obtient dans la région un score inférieur de moitié à celui qu’il avait obtenu il y a près d’un an.

Certes – et ce n’est pas une première –, les élections intermédiaires sont rarement favorables à la formation de Luigi Di Maio, qui peine souvent à trouver des candidats capables de rivaliser, au niveau local, avec les figures plus implantées des partis traditionnels. Mais l’ampleur de la chute, très au-delà de ce qu’annonçaient les sondages, ne peut que susciter des interrogations sur le véritable niveau, dans l’opinion, d’un mouvement inclassable, dont les instituts de sondage ont souvent peiné, par le passé, à capter les évolutions.

Amélioration de la situation électorale de la gauche

De fait, l’ampleur de la décrue que connaît actuellement la formation antisystème pourrait bien donner des arguments supplémentaires à tous ceux qui enjoignent à Matteo Salvini de rompre l’alliance nouée au printemps 2018 avec le M5S, pour retourner dans la configuration d’une coalition rassemblant toutes les familles de la droite, dont il serait le chef de file incontesté. Aussi les suites du résultat de dimanche pourraient-elles avoir d’importantes conséquences nationales, en fragilisant l’attelage Ligue-M5S aux commandes depuis juin 2018.

L’autre enseignement du scrutin de dimanche est l’amélioration de la situation électorale de la gauche, dont le candidat, soutenu par plusieurs partis, Giovanni Legnini (31,5 % des suffrages), fait mieux que limiter la casse. Le Parti démocrate, lui, aura du mal à se glorifier : il obtient à peine plus de 11 % du total des voix, l’essentiel du succès relatif de la gauche étant dû aux bons scores de plusieurs petites « listes civiques », non partisanes. Ce qui démontre une nouvelle fois que même en cas de décrue des forces « antisystème », ce ne sont pas forcément les partis traditionnels qui ramassent la mise.