NICOLAS TUCAT / AFP

Le Conseil constitutionnel s’apprête à accueillir trois nouveaux membres, choisis par le président de la République et les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale. S’il n’y avait guère de suspense sur le choix de l’ex-ministre Jacques Mézard par Emmanuel Macron et du sénateur du parti Les Républicains (LR) François Pillet par Gérard Larcher, Richard Ferrand a gardé le mystère jusqu’au bout.

Alors que la rumeur annonçait le président de la Cour des comptes Didier Migaud, un choix qui aurait été soufflé par le chef de l’Etat, le président de l’Assemblée a finalement décidé de proposer Alain Juppé. Une surprise de taille tant le maire de Bordeaux semblait vouloir rester en Aquitaine et ne plus se mêler d’affaires nationales.

Ces trois personnalité, toutes des hommes, devront encore passer en audition devant les commissions des lois des deux assemblées avant de pouvoir succéder à Lionel Jospin, Michel Charasse et Jean-Jacques Hyest, dont le mandat s’achève le 11 mars.

Dans le dosage hybride du Conseil constitutionnel, composé de neuf membres, dont quatre femmes actuellement, c’est donc la carrière politique qui a cette fois été privilégiée sur les profils d’universitaires ou de magistrats. Laurent Fabius qui préside l’institution du Palais Royal s’est toujours réjoui qu’elle ne soit pas réservée à des juristes mais ouverte à des personnalités qui ont participé à la fabrication de la loi ou aux décisions gouvernementales.

« On tient les deux bouts de l’omelette »

En offrant le poste à Alain Juppé, l’exécutif s’attache l’une des figures de la droite et entrouvre la porte à un accord lors des prochains scrutins, les européennes le 26 mai 2019 et les municipales en 2020. « En choisissant Mézard [ancien membre du parti radical de gauche] et Juppé, on tient les deux bouts de l’omelette », se réjouit l’un des stratèges de la Macronie, en référence à une expression utilisée en 2015 par l’ancien premier ministre, en rupture de ban avec le parti LR.

« Il faudra peut-être songer un jour à couper les deux bouts de l’omelette pour que les gens raisonnables gouvernent ensemble et laissent de côté les deux extrêmes, de droite comme de gauche, qui n’ont rien compris au monde », avait expliqué dans Le Point celui qui était alors candidat à la primaire de la droite. Une stratégie adoptée avec succès deux ans plus tard par Emmanuel Macron.

Le choix de Jacques Mézard ressemble à une récompense pour celui qui avait été ministre de la cohésion des territoires dans le gouvernement d’Edouard Philippe jusqu’au remaniement d’octobre 2018. Il avait depuis retrouvé son fauteuil de sénateur radical du Cantal. « C’était le moyen de le sortir calmement du gouvernement alors qu’il n’avait pas démérité », décrypte un parlementaire de La République en marche (LRM). Le natif d’Aurillac s’était notamment opposé à la réduction à 80 km/h de la vitesse sur les routes décidée par Edouard Philippe, ce qui avait provoqué des tensions avec le premier ministre.

Quant à François Pillet, sénateur du Cher, rattaché au groupe Les Républicains, c’est un ancien avocat, proche de Philippe Bas, président de la commission des lois du Palais du Luxembourg, et de Gérard Larcher. A 73 ans (M. Juppé), 71 ans (M. Mézard) et 68 ans (M. Pillet) ces trois hommes s’apprêtent ainsi à être nommés pour un mandat de neuf ans.