En juin 2018, une militante pour la défense de femmes victimes de viol et d’abus lors d’un rassemblement pour dénoncer le traitement des femmes au sein de la Southern Baptist Convention à Dallas (Texas). / Jeffrey McWhorter / AP

Après les catholiques, la principale église protestante des Etats-Unis, la Southern Baptist Convention, est à son tour secouée par un scandale sexuel de grande ampleur. Révélé par des journalistes, celui-ci implique près de 400 pasteurs, bénévoles et éducateurs sur deux décennies.

Deux quotidiens texans, le Houston Chronicle et le San Antonio Express-News, ont enquêté pendant six mois sur ce réseau de 47 000 Eglises évangéliques qui compte plus de quinze millions de membres, essentiellement dans le sud du pays. Leurs révélations dans une série d’articles publiés depuis dimanche sont accablantes.

Depuis 1998, 380 membres du clergé de la Southern Baptist Convention (SBC) – qui ne font pas vœu de célibat – ont été accusés d’abus sexuel ayant fait plus de 700 victimes, la plupart mineures, ont établi les journalistes.

Selon leur décompte réalisé en épluchant des milliers de documents judiciaires, 220 pasteurs ou bénévoles ont été reconnus coupables de faits allant de la possession d’images pédophiles au viol, et des dizaines d’affaires restent en cours devant les tribunaux.

« L’autonomie des Eglises comme excuse »

Il y a probablement d’autres cas, ont reconnu des responsables de la SBC en appelant les victimes à se manifester. « C’est l’heure du deuil et de la repentance, mais des changements arrivent », a tweeté le président de la convention, J.D. Greear.

Le comité exécutif de la SBC profitera d’une réunion prévue la semaine prochaine pour « faire le point sur une étude commandée l’été dernier [2018] à ce sujet », a précisé mardi 12 février à l’Agence France-Presse (AFP) un de ses porte-parole, Roger Oldham.

A l’instar du Boston Globe qui avait mis au jour en 2002 un vaste scandale dans le clergé catholique – retracé dans le film Spotlight –, les deux quotidiens texans accusent les responsables de la SBC de ne pas avoir pris la mesure du problème.

Selon eux, des victimes avaient proposé, en 2007, une liste de dispositions destinées à empêcher de nouveaux abus, notamment la création d’un registre des pasteurs mis en cause. Elles s’étaient vues opposer une fin de non-recevoir.

Les responsables de la Convention avaient mis en avant l’indépendance de leurs Eglises, seulement liées par un accord de « coopération » et très sourcilleuses sur leur autonomie.

« Chaque congrégation gouverne ses propres affaires, il n’y a pas d’évêque, pas de supervision, a confirmé mardi à l’AFP Russell Moore, une des responsables de la SBC. Mais personne ne peut utiliser l’autonomie des Eglises comme excuse. »

Une vision « horrible du pardon »

En l’absence de fichiers centralisés, au moins 35 religieux, bénévoles ou éducateurs ont pu passer d’une Eglise à l’autre malgré des antécédents troubles, ont établi les journalistes.

Ainsi, un pasteur de l’Illinois, Leslie Mason, condamné en 2003 pour deux agressions sexuelles, a recommencé à prêcher un peu plus loin après avoir purgé sa peine de prison. Un autre, Doug Myers, est parti travailler en Floride après avoir été soupçonné de comportements inappropriés envers des enfants en Alabama au début des années 2000. Il y a agressé un garçon de 11 ans et a été finalement condamné en 2007.

Parfois, les Eglises connaissaient leur passé. Elles avaient une vision « horrible du pardon » qui suppose de « donner une seconde chance à ces prédateurs », a estimé M. Moore. D’autres fois, elles ignoraient tout de leurs antécédents.

La SBC aide bien ses congrégations à vérifier le casier judiciaire de ceux voulant entrer à leur service. Depuis 2009, 320 000 vérifications ont eu lieu, mais elles ne portaient que sur les condamnations et pas sur les soupçons, relèvent les deux quotidiens.

Leur investigation a été saluée par l’association de victimes des prêtres pédophiles SNAP qui a appelé le système judiciaire à se saisir du dossier pour s’assurer que les personnes accusées d’agression ne puissent plus « faire de mal ».

A la suite d’un rapport sur des abus commis dans l’Eglise catholique de Pennsylvanie, une vingtaine d’enquêtes judiciaires ont été ouvertes aux Etats-Unis, où les diocèses ont dû ouvrir leurs archives. Aucun procureur ne s’était encore manifesté mardi sur de possibles investigations. Un nouvel article du Houston Chronicle et de San Antonio Express-News est attendu mercredi.