Thomas Tuchel, lors de la rencontre Manchester United-PSG mardi soir. / JASON CAIRNDUFF / Action Images via Reuters

A voir l’Italien Marco Verratti tacler comme un dératé pour gratter un ballon dans le rond central de la pelouse d’Old Trafford, on se dit que ce Paris-Saint-Germain-là est fait d’un tout autre bois, cette saison, sur la scène européenne.

Dans la droite ligne de sa victoire héroïque (2-1) de novembre 2018 contre Liverpool, en phase de poules, le club de la capitale a fait preuve de solidité, de détermination et d’agressivité en renversant (2-0) Manchester United, mardi 12 février, en huitièmes de finale aller de Ligue des champions.

Comme s’ils avaient appris de leurs erreurs et échecs des saisons précédentes, Thiago Silva et ses partenaires ont piégé des Mancuniens en panne d’idées. Les nerfs en capilotade lors de la remontada du FC Barcelone (victoire 6-1 des Blaugrana après une défaite 4-0 à l’aller), en mars 2017, trop tendres contre le Real Madrid de Zinédine Zidane un an plus tard, les Parisiens ont, cette fois, parfaitement géré ce déplacement à haut risque.

« Nous avons joué comme une équipe »

Le mérite en revient d’abord à l’homme qui téléguide le PSG version Qatar Sports Investments (QSI) depuis mai 2018 : l’entraîneur allemand Thomas Tuchel, passé maître dans l’art de s’adapter tactiquement à l’adversaire.

« On avait décidé d’être ensemble, que l’on presse haut ou que l’on défende bas. Nous avons joué comme une équipe. C’était la clé », a déclaré Tuchel après la rencontre. A Old Trafford, l’ex-coach du Borussia Dortmund (2015-2017) a donné de la voix et multiplié les grands gestes pour haranguer ses protégés. Lesquels ont appliqué ses consignes à la lettre et fait bloc. A Manchester, il s’est dégagé de ce PSG ultra-discipliné et mature une forme de solidarité assez similaire à celle entrevue en mars 2015, dans des circonstances différentes (expulsion de Zlatan Ibrahimovic en début de match), lors de la qualification homérique (2-2 en prolongations) pour les quarts de finale face au Chelsea de José Mourinho.

Il fallait voir la pugnacité du tandem formé au milieu par Marco Verratti et Marquinhos pour comprendre l’état d’esprit qui animait les Parisiens. Le cas du Brésilien est emblématique du travail de fond entrepris par Tuchel depuis son intronisation. En déficit de solutions dans l’entrejeu, Tuchel a reconverti le défenseur central de métier en sentinelle, un poste ingrat auquel il n’était pas habitué. Si les débuts de « Marqui » à ce poste ont été hésitants, comme en a attesté sa piètre prestation à Liverpool (défaite 3-2) en septembre, sa performance à Manchester a prouvé que son coach avait eu le nez creux et raison de persister.

A Old Trafford, le Brésilien a muselé un Paul Pogba réduit au silence jusqu’à son expulsion, en fin de match. « C’est un coach qui nous donne des stratégies. Il analyse beaucoup l’adversaire, il cherche les points faibles et les points forts, a dit Marquinhos à propos de Thomas Tuchel. Il m’a donné la mission de rester très attentif et vigilant avec Pogba. On savait que le jeu allait beaucoup passer par lui, alors il fallait que j’empêche les transitions offensives de Manchester. »

Dans ce système osé (3-4-3) mis en place par l’Allemand, le Brésilien Daniel Alves s’est illustré par son sens du sacrifice. Il a fait parler son expérience (trente-cinq ans, 110 matchs disputés en Ligue des champions), allant au charbon pour couper les attaques adverses. Maître des airs, vigilant et intelligent dans son placement, Thiago Silva a, lui, excellé en charnière centrale. A l’image de l’Argentin Angel Di Maria, double passeur décisif pour ses retrouvailles avec son ancien club, sifflé à chaque ballon et ciblé par une bouteille de bière qu’il a fait mine de boire, les Parisiens ont fait preuve de caractère devant un public hostile.

En ballottage favorable avant la manche retour, le 6 mars au Parc des Princes, le PSG de Tuchel est-il en passe de perforer le plafond de verre qui circonscrit ses ambitions européennes ? Au printemps 2018, l’Allemand avait été choisi par l’émir du Qatar, Tamim Al-Thani, pour faire entrer le PSG dans une nouvelle dimension. Sa mission : effacer l’échec patent de son prédécesseur espagnol (2016-2018), Unai Emery, incapable d’égaler la performance de Carlo Ancelotti (2012-2013) et Laurent Blanc (2013-2016), parvenus, eux, à hisser et maintenir le PSG dans le top 8 européen.

Tuchel, attentif au moindre détail

Attentif au moindre détail, Tuchel avait présenté sa méthode, en septembre, dans L’Equipe : il entendait aider les joueurs parisiens, lassés de gâcher leurs chances en Ligue des champions chaque saison, à mieux appréhender ce rendez-vous. « Pour gagner la Ligue des champions, c’est important d’avoir une culture qui rend les joueurs plus grands. Le Real Madrid [treize fois vainqueur du tournoi et triple tenant du titre] a une génération qui sait comment gagner les grands matchs, comment résister à la pression », développait l’entraîneur.

Connu pour son tempérament volcanique, enclin à appuyer sur la corde sensible pour galvaniser ses troupes, Tuchel est d’autant plus apprécié par ses joueurs qu’il est parvenu à fédérer son effectif, unanime pour saluer son management. Et ce, dans un contexte délicat : ses relations avec le Portugais Antero Henrique, directeur sportif du club depuis 2017, se sont détériorées depuis le mercato hivernal raté – aux yeux du premier cité – du PSG.

« On a grandi dans ce match. On n’a pas laissé beaucoup d’actions, s’est enthousiasmé Tuchel dans l’auditorium d’Old Trafford. C’est un bel accomplissement de notre part. » Le 6 mars, les dirigeants parisiens sauront si l’Allemand est bel et bien parvenu à faire grandir leur club.