La controversée réforme européenne du droit d’auteur, très attendue par les éditeurs de presse et les créateurs mais fustigée par les géants d’Internet, a franchi une étape décisive mercredi 13 février soir.

Après trois jours de discussions, les représentants des trois institutions de l’Union – la Commission, le Conseil et le Parlement – se sont finalement entendus sur une version commune du texte.

« Un accord a été atteint », a annoncé le vice-président de la Commission européenne, Andrus Ansip, chargé du dossier, dans un tweet.

« Les Européens vont enfin avoir des règles modernes sur le droit d’auteur adapté à l’ère numérique avec de vrais bénéfices pour tout le monde: des droits garantis pour les utilisateurs, une rémunération juste pour les créateurs et une clarté des règles pour les plateformes. »

Le ministre de la culture français Franck Riester s’est également réjoui : « C’est la démonstration que l’Europe est fière de ses créateurs et qu’elle sait les protéger, au bénéfice de tous les citoyens. »

De son coté, l’organisation CCIA, représentant le lobby de l’industrie numérique, a estimé que l’accord « allait saper l’innovation sur internet et les droits en ligne ».

Ce n’est toutefois pas la fin de cette saga. L’accord provisoire doit maintenant être adopté encore par le Conseil, d’une part, et d’autre part par les eurodéputés, réunis en session plénière, avant les élections européennes en mai.

L’élu chrétien-démocrate allemand Axel Voss, rapporteur de la directive et fervent défenseur de la réforme, a précisé que le vote en plénière aurait sans doute lieu « en avril ou la dernière semaine de mars ».

« Je suis optimiste que nous obtiendrons une majorité au Parlement, mais cela va être un dur travail (...) On ne sait jamais en politique », a-t-il confié à des journalistes à la sortie de la salle de réunion.

Deux articles au cœur du débat

L’objectif de la réforme, âprement discutée depuis sa présentation en septembre 2016 par l’exécutif européen, est de moderniser le droit d’auteur à l’ère du numérique.

Elle a donné lieu à une énorme bagarre, par lobbyistes interposés, entre les médias et les créateurs, d’un côté, qui veulent être mieux rémunérés et, les géants du numérique, de l’autre, qui défendent leur « business model », rejoints, de manière inattendue, par les militants de la liberté sur Internet.

Deux articles, le 11 et le 13, ont été au cœur du débat.

Le premier a pour principe de créer un « droit voisin » du droit d’auteur pour les éditeurs de presse. Il doit permettre aux médias de se faire rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production par des agrégateurs d’informations comme Google News ou des réseaux sociaux comme Facebook.

Selon l’accord trouvé mercredi entre les colégislateurs, la durée de protection des articles sera de deux ans. Le simple partage entre internautes d’hyperliens vers des articles, ainsi que de « mots isolés » pour les décrire, sera libre de toute contrainte du droit d’auteur.

De même que les « très courts extraits », qui apparaissent sur les moteurs de recherche, agrégateurs d’informations ou réseaux sociaux.

Le second article, le 13, prévoit d’inciter les plateformes, comme YouTube, à mieux rétribuer les créateurs de contenus.

Sont exemptées de l’obligation de filtrer les contenus les entreprises qui rempliraient l’ensemble des trois critères suivants : avoir moins de trois ans d’existence ; un chiffre d’affaires de moins de 10 millions d’euros ; et avoir un niveau d’audience de moins de cinq millions de visiteurs uniques par mois. Au-delà de ces trois seuils, les entreprises doivent empêcher la réapparition des contenus supprimés et filtrer les mises en ligne en fonction de listes fournies par des ayants-droit.

Reste à savoir comment les plateformes vont réagir à la réforme, si elle franchit les dernières étapes du Parlement et du Conseil. Les détracteurs du droit voisin ont déjà souligné que les deux pays qui ont tenté d’en imposer un, soit l’Espagne et l’Allemagne, ont échoué.