En plein scandale de la Ligue du LOL, le gouvernement a annoncé, jeudi 14 février, ses projets pour responsabiliser les plates-formes et mettre fin à l’impunité en accélérant les procédures permettant d’identifier les auteurs de propos haineux.

Le secrétaire d’Etat au numérique, Mounir Mahjoubi, voudrait faire d’Internet « un espace où l’expression positive et d’amour doit être supérieure à l’expression de la haine ». C’est ce qu’il a déclaré jeudi, à l’issue de tables rondes à Bercy avec les associations et responsables politiques engagés sur le sujet. Un projet de loi contre le cyberharcèlement devrait être présenté avant l’été, ajouté à une mobilisation générale au sein du G7 et au niveau européen.

« On sait très bien que les posts les plus likés et commentés sont ceux qui suscitent une émotion très forte », a souligné à ses côtés la secrétaire d’Etat à l’égalité, Marlène Schiappa, souvent visée elle-même par des attaques en ligne. « On a un travail à mener pour faire en sorte que l’engagement ne soit plus forcément du clash. »

Avec le « plan d’action » présenté jeudi, les secrétaires d’Etat veulent notamment pousser les plates-formes à mettre « en quarantaine » ou retirer « en quelques heures » les contenus haineux. Le gouvernement propose de superviser les outils de signalement à disposition des internautes, mais incite aussi les plates-formes à développer leurs outils de modération automatique, avec la possibilité pour les utilisateurs de toujours faire appel.

Un nouveau statut

Le gouvernement souhaite aussi « responsabiliser » les plates-formes comme Twitter ou Facebook, et envisage d’auditer régulièrement leurs règles de modération des contenus. M. Mahjoubi a déclaré réfléchir « sans tabou » à la création d’un nouveau statut pour ces plates-formes, qui serait situé entre celui d’hébergeur de contenus et d’éditeur, rappelant que le statut actuel d’hébergeur en ligne « limite trop fortement leur responsabilité ». « Il faut que l’ensemble de ces plates-formes respectent les lois de la République », a souligné Marlène Schiappa, visant Twitter, notamment, qui n’est pas « à la hauteur des enjeux », alors que Facebook coopère.

Des statistiques globales sur le cyberharcèlement n’ont pas encore été réunies mais « on a le sentiment d’une très forte augmentation de la haine en ligne », a appuyé Frédéric Pottier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.

Restreindre l’anonymat

Comme pour les attaques qui ont visé le chanteur et youtubeur Bilal Hassani, ou la Ligue du LOL et ses pseudos « Lapin blanc » ou « Fout la merde », les harceleurs profitent souvent de l’anonymat qu’offrent les réseaux pour mener leurs raids.

Des déclarations d’Emmanuel Macron sur la fin de l’anonymat avaient suscité l’inquiétude de nombreux militants pour un Internet libre. Au Soudan, en Iran, en Arabie saoudite, l’anonymat est une condition de survie pour ceux qui souhaitent débattre en ligne. Dans les pays démocratiques, des victimes de violence ou des lanceurs d’alerte profitent aussi de cette possibilité pour pouvoir s’exprimer.

Le gouvernement ne veut pas mettre fin à l’anonymat sur Internet, a assuré Mounir Mahjoubi, mais seulement le restreindre pour certains usages, comme les pétitions en ligne, chères à la démocratie participative.

Dans des cas de harcèlement, ou d’apologie du terrorisme, la possibilité de demander l’identité des utilisateurs aux plates-formes existe déjà dans la loi. Il s’agirait maintenant d’imposer à ces plates-formes des « délais » pour communiquer ces informations personnelles, « dans les cas les plus graves ».