Une photographie du faux Zadkine publiée sur le compte Twitter de Me Béatrice Cohen, l’avocate de Pascal Payet. / BBCAVOCATS@COHENBEATRICE / COMPTE TWITTER

La cour d’appel de Paris a confirmé, mardi 12 février, en l’aggravant, un jugement du tribunal correctionnel condamnant, en 2016, un commissaire-priseur, Me Marc-Arthur Kohn, un marchand, Pascal Robaglia, et le vendeur d’un bronze de Zadkine, Le Retour du fils prodigue, qui s’est révélé être un faux : outre quelques anomalies par rapport à l’original, l’objet porte une marque contrefaite de la fonderie Susse supposée l’avoir coulé, et une numérotation fantaisiste (6/6), l’œuvre n’ayant été tirée qu’à cinq exemplaires.

L’affaire a débuté en 2004, quand le dernier propriétaire de l’œuvre, Pascal Payet, depuis plaignant dans cette affaire, consulte pour avis la fonderie Susse, laquelle constate l’imposture. Elle se porte donc également partie civile pour « contrefaçon de marque », ainsi que la Ville de Paris, dont dépend le Musée Zadkine, au titre du « droit d’auteur » de Zadkine, dont le musée est garant.

L’enquête a montré que l’œuvre avait suivi un curieux trajet : proposée en 2001 à l’étude de Me Kohn, elle provenait d’une ­société basée aux Pays-Bas, qui avait fait faillite. Vendue une première fois, elle revient à l’étude, où Pascal Payet la remarque et ­signale son intérêt, sans qu’il y soit donné suite.

Un marchand déjà connu

Il la revoit ensuite au domicile du marchand Pascal Robaglia, auquel il l’achète. Devant la cour d’appel, Me Béatrice Cohen, l’avocate de Pascal Payet, a rappelé le parcours pour le moins houleux de Pascal Robaglia : son nom est constamment cité dans l’affaire du célèbre faussaire Guy Ribes, pour laquelle il a été condamné par le tribunal de Créteil, en 2010, à cinq ans de prison, dont 30 mois avec sursis. Il avait déjà eu des soucis avec la justice, en 2000, pour fraude, mais ­fiscale celle-ci. Le commissaire-priseur, Me Kohn, a été également condamné en 2012 pour avoir vendu un faux Marcel ­Duchamp et, rappelle MCohen, « payé avec retard des clients ­vendeurs ».

Me Béatrice Cohen, avocate de Pascal Payet : « Cette décision est satisfaisante et contribue à assainir le marché de l’art, en dénonçant et condamnant ses perturbateurs »

La cour d’appel a donc confirmé le jugement de première instance. Le commissaire-priseur est condamné à 8 mois de prison avec sursis et 60 000 euros d’amende, ainsi qu’à la publication à ses frais d’extraits pertinents du jugement dans La ­Gazette Drouot. Pascal Robaglia est condamné à huit mois de prison, à 30 000 euros d’amende et à la publication de l’information, « en caractères gras » et à ses frais, dans Le Journal des arts. Le vendeur d’origine, à 10 000 euros d’amende, dont 5 000 avec sursis.

Me Cohen considère que « cette décision est satisfaisante et contribue à assainir le marché de l’art, en dénonçant et condamnant ses perturbateurs ». Elle regrette toutefois « que la cour soit frileuse à prononcer des interdictions d’exercer, tant à l’égard du commissaire-priseur que du marchand d’art, comme cela avait été requis par l’avocat général. Les juges français se doivent de frapper plus fort afin de redonner à Paris la place privilégiée mais fragile qu’elle occupe depuis des siècles dans le marché de l’art ».