Eric Drouet dans la manifestation parisienne des « gilets jaunes » le 2 février 2019. / ZAKARIA ABDELKAFI / AFP

Il est l’une des figures les plus emblématiques du mouvement des « gilets jaunes ». Eric Drouet comparaît, vendredi 15 février, devant le tribunal correctionnel de Paris pour « organisation de manifestations sans déclaration préalable ».

Le chauffeur routier de Seine-et-Marne avait été arrêté le 2 janvier près des Champs-Elysées, encadré par des policiers hués par des « gilets jaunes ». Le lendemain, à sa sortie de garde à vue, Eric Drouet dénonçait une interpellation « politique », affirmant qu’il devait juste rencontrer d’autres « gilets jaunes » pour un « rendez-vous au restaurant ». Son arrestation montrait, selon lui, une volonté de « bâillonner » la contestation.

Il s’était défendu d’avoir lancé un appel à manifester. Quelques heures avant d’être interpellé, Eric Drouet déclarait toutefois dans une vidéo diffusée sur Facebook : « Ce soir, on va pas faire une grosse action, mais on veut choquer l’opinion publique. Je sais pas s’il y en aura qui seront avec nous sur les Champs”. (…) On va tous y aller sans gilet. »

Il est jugé ce vendredi pour l’« organisation sans déclaration préalable » de deux manifestations : celle le 22 décembre – l’acte VI des « gilets jaunes » lors duquel il avait déjà été interpellé – et celle du 2 janvier. Il encourt six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Sa comparution intervient deux jours après celle de l’ex-boxeur Christophe Dettinger, condamné à un an de prison ferme, en semi-liberté, pour avoir violemment frappé deux gendarmes le 5 janvier lors de l’acte VIII des « gilets jaunes ».

Indignation de responsables politiques

Eric Drouet est l’un des initiateurs de la première mobilisation nationale des « gilets jaunes » le 17 novembre. C’est lui qui avait créé l’événement Facebook Blocage national contre la hausse des carburants. Il est devenu l’un des visages les plus connus de ce mouvement de contestation qui dure depuis trois mois et représente la plus grave crise du mandat d’Emmanuel Macron. Ce père de famille de 33 ans se défend d’être un leader des « gilets jaunes », mais ses prises de parole pèsent dans la contestation.

Eric Drouet, pour lequel le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a dit sa « fascination », est aussi controversé. Il a été accusé d’appeler au putsch lorsque, lors d’un débat où on lui avait demandé ce qu’il comptait faire si la manifestation arrivait devant l’Elysée, il avait répondu : « On rentre dedans. » Des propos qu’il avait relativisés dès le lendemain.

Son interpellation le 2 janvier a provoqué l’indignation de responsables politiques, de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par le centre. « Abus de pouvoir. Une police politique cible et harcèle désormais les animateurs du mouvement des gilets jaunes », avait tweeté Jean-Luc Mélenchon. Hervé Morin, le président des centristes, a taxé le gouvernement d’« amateurisme » et l’a appelé à « sortir de l’arrogance et du mépris » vis-à-vis des « gilets jaunes ».

Le gouvernement, qui veut faire voter une loi « anticasseurs » prévoyant notamment des interdictions administratives de manifester, a défendu l’interpellation du routier au nom de l’Etat de droit. « Quand quelqu’un organise une manifestation alors qu’elle n’est pas déclarée, c’est qu’il ne respecte pas l’Etat de droit », a estimé le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Eric Drouet sera par ailleurs jugé le 5 juin pour port d’arme prohibé, en l’espèce un bâton, lors de la manifestation du 22 décembre.