Public Sénat, samedi 16 février à 21 heures, documentaire

Déménager est rarement anodin. En quittant un lieu dans lequel on a vécu ou travaillé longtemps, on laisse des souvenirs, on s’interroge sur l’avenir, on réalise le temps qui passe. Tourné en septembre 2018 à l’intérieur et dans la cour du bel hôtel particulier de la rue de Solférino, dans le très bourgeois 7e arrondissement parisien, siège historique du Parti socialiste français depuis 1981, ce documentaire raconte, à travers le déménagement du PS des beaux quartiers de la capitale à la proche banlieue encore populaire (Ivry-sur-Seine) et les nombreux témoins interrogés, une époque mouvementée de l’histoire politique française.

Seule caméra à avoir pu pénétrer dans les coulisses de ce déménagement, celle des auteurs du documentaire, Grégoire Biseau (collaborateur à M, le magazine du Monde) et Cyril Leuthy, parvient à capturer l’étrange atmosphère qui plane dans les couloirs désormais vides de Solférino. Silences, cartons, piles de papiers, lumières viennent en soutien des paroles délivrées par d’anciens ministres et responsables du PS.

Ce documentaire raconte une époque mouvementée de l’histoire politique française

Si les salariés et dirigeants quittent le cadre grand-bourgeois de Solférino pour une ancienne manufacture du Val-de-Marne, c’est pour une raison simple : à force d’accumuler les revers électoraux et de voir partir les militants, les caisses sont vides. A l’issue des élections législatives de 2017, le nombre de députés PS est passé de 279 à… 28. « Il fallait trouver 12 millions d’euros, et les banques ne prêtaient pas. Ce patrimoine immobilier doit servir à la pérennité des socialistes », souligne Jean-Christophe Cambadélis. A la fin du film, on voit Olivier Faure, actuel patron d’un PS en petite forme, déambuler dans ce qui est encore le chantier d’Ivry. « Ce bâtiment est très fluide, lumineux. On se voit, on peut échanger facilement. Tout ce qu’il n’y avait pas à Solférino… »

Combats perdus

Symboliquement, voir le PS quitter un arrondissement parisien peu suspect de sympathies socialistes pour une commune de banlieue marquée à gauche peut être considéré comme une décision politique cohérente. Il s’agit plutôt d’une opportunité financière. Et, comme le résume avec un certain sens de la formule Bernard Poignant, ancien maire de Quimper et conseiller du président Hollande : « Solférino, c’est le siège acheté dans la victoire et vendu dans la déroute ! » Une déroute que n’ont pas voulu commenter Manuel Valls et Benoît Hamon, absents du cadre. Mais de François Hollande (qui a refusé de revenir à Solférino, mais parle depuis ses bureaux parisiens) à Jean-Christophe Cambadélis, de Michel Sapin à Arnaud Montebourg, de Myriam El Khomri à Christiane Taubira en passant par Jean-Marc Ayrault, la diversité et la richesse des témoignages donnent de la matière à ce documentaire.

En acceptant la proposition des auteurs de revenir à « Solfé » une dernière fois, avant que les camions n’emportent une partie du mobilier et que les bennes se remplissent de déchets divers, des acteurs majeurs du quinquennat de François Hollande parlent, longuement. Dans ce qui fut la salle du bureau national, les souvenirs reviennent, la tristesse est parfois palpable, la colère aussi.

Découpé en chapitres bien identifiés (la fracture après le dossier Florange, la fronde, la déchirure, la colère, la déroute), le documentaire retrace, à travers les combats perdus du PS, le quinquennat de François Hollande. ArcelorMittal, déchéance de la nationalité, loi travail, tensions, trahisons, violences sociales, la période 2012-2017 n’a pas été un long fleuve tranquille. La bataille de Solférino est achevée.

L’Adieu à Solférino, de Grégoire Biseau et Cyril Leuthy (Fr., 2019, 90 min). www.publicsenat.fr