A l’école Simplon, à Paris. / Frederic BIETH/ Simplon

Comprendre ce qui se passe derrière l’homme comme derrière la machine. C’est le pont que construit spontanément Orélia Sokambi entre le code informatique et la psychologie. Depuis mai 2018, la jeune femme occupe un poste de « développeuse Web full stack PHP » (développeur « à tout faire » par le biais du langage de programmation PHP) chez Eventdrive. Elle y corrige les bugs, développe de nouveaux sites ou de nouvelles fonctionnalités. « Je suis contente de me rendre à mon travail tous les matins », confie cette informaticienne de 30 ans.

« Dans ma bulle »

Se reconvertir dans l’informatique en passant par une formation courte : telle est la décision qu’Orélia a prise il y a quelques mois. Elle est loin d’être la seule. Le label « grande école du numérique » a été accordé à plus de 700 formations depuis sa création, en 2015. Selon l’enquête réalisée en 2017 auprès de 300 cursus, ceux-ci durent en moyenne sept mois et accueillent 45 % de diplômés au-delà du bac et 56 % de gens âgés de plus de 26 ans. Plus de 12 000 personnes devraient être formées par ce biais en 2019. D’autres dispositifs existent, comme le programme du ministère du travail « 10 000 formations aux métiers du numérique » lancé en avril 2018. Malgré cette offre foisonnante de formations, Orélia Sokambi n’a pas tant de portes qui s’ouvrent : « Je ne pouvais pas prétendre à certaines formations ou certains financements car j’étais trop diplômée et je ne rentrais pas dans les cases. »

Son parcours avait jusqu’ici été assez fragmenté. Après une licence d’histoire, elle repart de zéro pour entreprendre des études de psychologie. Studieuse, elle enchaîne les années d’études et vise un master 2 en psychopathologie clinique, qu’elle sait très sélectif. « J’étais dans ma bulle : je me focalisais sur les partiels, la sélection en master, le mémoire, le titre de psychologue… » Elle sort diplômée en 2015. Et là, la douche froide : la jeune femme constate le peu d’offres d’emploi et la quasi-généralisation des temps partiels.

Elle finit par décrocher un CDD d’un an, deux jours par semaine, dans un établissement et service d’aide par le travail (ESAT). « Le travail avec les patients me passionnait mais ne contrebalançait pas la précarité de l’emploi et le manque de moyens mis à disposition pour l’exercer. C’était très anxiogène », dit-elle. A l’issue de son contrat, Orélia s’accorde une pause pour réfléchir : « Je ne voulais pas reprendre des études longues et je redoutais une nouvelle galère professionnelle. »

« Un petit côté geek »

Au gré de ses recherches et des discussions avec ses amis, l’idée de se tourner vers l’informatique fait son chemin. Un secteur porteur s’il en est : 80 000 postes seraient vacants d’ici à 2020, selon un rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi de 2017. « J’ai toujours eu un petit côté geek, sourit la psychologue. J’aime les jeux vidéo ou améliorer les performances de mon ordinateur. Mais j’étais persuadée que l’informatique n’était pas faite pour moi car je n’ai jamais été très bonne en maths. J’ai eu un bac L ! »

« J’aimerais pouvoir coder aussi bien et aussi vite que les développeurs seniors. C’est quasiment de l’art », Orélia Sokambi

Les littéraires ont-ils leur place dans l’informatique ? « Bien sûr », répond Neila Hamadache, délégué à la formation au Syntec numérique, un syndicat professionnel : « Les profils scientifiques possèdent un avantage non négligeable, mais avoir un autre parcours n’est pas rédhibitoire. Apprendre le code, c’est comme apprendre une langue. Il faut procéder par étapes. » Pour tester son idée, Orélia Sokambi a d’abord suivi le parcours « développeuse web junior » sur la plate-forme de cours en ligne OpenClassrooms. « J’étais au chômage, je passais mes journées sur l’ordinateur. Il m’a fallu fournir beaucoup d’efforts pour entrer dans la logique informatique », dit-elle.

Apprendre à apprendre

Au terme de diverses recherches et candidatures, Orélia Sokambi intègre finalement la formation gratuite « développeuse Web full stack PHP » de l’école Simplon et travaille « en mode acharnée ». Samia Ghozlane, directrice de la Grande Ecole du numérique, le confirme : « Les formations courtes demandent beaucoup d’investissement. Etre motivée est nécessaire pour suivre le rythme. » Dès qu’elle met son CV en ligne, Orélia Sokambi reçoit plusieurs offres d’emploi et peut même choisir son employeur : elle opte pour la start-up Eventdrive, qui lui propose un salaire de 30 000 euros brut annuels. « J’avais l’impression d’avoir gagné au loto », s’amuse l’informaticienne.

Après un bac L et des études de psychologie, Orélia Sokambi a appris le code informatique. / Orélia Sokambi

Aujourd’hui, Orélia Sokambi se sent toujours en situation d’apprentissage. « J’aimerais pouvoir coder aussi bien et aussi vite que les développeurs seniors. Ce qu’ils font, c’est quasiment de l’art », s’exclame-t-elle. Elle le sait, les langages informatiques se périment vite. « On ne peut pas se reposer sur ses lauriers. Il faut toujours se mettre à la page. » Et ce n’est pas pour lui déplaire.