L’entrée de l’usine Honda à Swindon, à une centaine de kilomètres de Londres, le 19 février. / Frank Augstein / AP

Le Brexit vient de faire sa plus importante victime industrielle. Mardi 19 février, Honda a annoncé la fermeture de son usine de Swindon, dans l’ouest de l’Angleterre. Celle-ci, la seule ligne d’assemblage de la firme japonaise en Europe, va s’arrêter en 2021, à la fin du cycle de vie de la Civic, qui y est actuellement produite. Au total, 3 500 emplois directs vont être perdus.

A la place, Honda va centraliser sa production au Japon. La firme va profiter du nouvel accord de libre-échange avec l’Union européenne (UE), entré en vigueur le 1er février, qui doit supprimer les droits de douane sur l’automobile d’ici sept ans. Le Japon va ainsi avoir accès au marché unique européen, tandis que le Royaume-Uni risque de perdre le sien, en fonction de la forme que prendra le Brexit.

« L’industrie automobile au Royaume-Uni est mise à genoux par l’incertitude chaotique qui entoure le Brexit »

« L’industrie automobile au Royaume-Uni est mise à genoux par l’incertitude chaotique qui entoure le Brexit », déplore Des Quinn, chargé de l’automobile au syndicat Unite. Lundi, un employé sortant de l’usine, interrogé par Channel 4, s’emportait contre les députés britanniques : « Il reste quarante-quatre jours avant le Brexit et ils n’ont pas la moindre idée [de ce qu’il va se passer]. Ils n’arrivent même pas à se mettre d’accord entre eux sur ce que le Brexit veut dire. C’est d’une incroyable idiotie. »

Mais le Brexit est-il vraiment la cause de la fermeture de l’usine ? Honda ne l’évoque pas dans son communiqué. Le constructeur affirme « réorganiser ses opérations mondiales » face au « défi de l’électrification » des véhicules, et « se concentre dans les régions où il prévoit de forts volumes de production ».

Robert Buckland et Justin Tomlinson, les deux députés conservateurs de Swindon – qui ont voté pour le Brexit –, affirment que la décision du constructeur japonais n’a rien à voir avec la sortie de l’Union européenne. « Nous avons parlé au ministre de l’industrie et à Honda, explique M. Tomlinson. Ils ont été clairs pour dire qu’il s’agit de phénomènes mondiaux et pas du Brexit. » La crise du diesel en Europe, la transition vers les modèles électriques, la baisse de la popularité des voitures chez les jeunes sont des facteurs bien plus importants que le Brexit, qui n’a, de toute façon, pas encore eu lieu. Les deux élus affirment aussi que l’usine Honda de Turquie va fermer, preuve qu’il s’agit d’une réorganisation qui dépasse la question britannique.

Nissan et Jaguar aussi

Leur argument est cependant rejeté par David Bailey, spécialiste de l’industrie automobile à l’université d’Aston. « Ces députés vivent sur un nuage. Le Brexit n’est pas le seul facteur, bien sûr, mais il en fait partie. » Il en veut pour preuve la série noire qu’est en train de traverser l’industrie automobile britannique. Le 4 février, Nissan a annoncé que la X-Trail, un 4 x 4, ne serait finalement pas assemblée dans son usine de Sunderland, au nord-est de l’Angleterre, contrairement à ce qu’il avait annoncé en octobre 2016. L’usine britannique ne perdra pas d’emploi, mais les 750 embauches supplémentaires, qui étaient attendues, n’auront pas lieu. Parmi les différentes raisons de ce choix, Nissan évoque avant tout la chute du marché du diesel en Europe, mais ajoute aussi « l’incertitude qui entoure les futures relations du Royaume-Uni avec l’UE ».

Mi-janvier, Jaguar Land Rover a également décidé le licenciement de 4 500 personnes, mettant en avant la crise du diesel, qui touche de plein fouet ce constructeur aux voitures gourmandes en carburant, et la chute vertigineuse de ses ventes en Chine (– 22 % en 2018). Mais l’incertitude liée au Brexit est aussi citée.

En clair, dans des circonstances difficiles, la prochaine sortie de l’UE n’arrange rien. Impossible de préparer l’avenir alors que personne ne sait à quoi ressemblera le Brexit dans seulement quelques semaines. Les investissements dans le secteur automobile britannique se sont effondrés de 75 % depuis 2015. La tendance n’est pas irréversible. Dans les semaines qui viennent, il est possible qu’un accord sur le Brexit soit signé, apportant un peu de calme. « Mais les investissements qui n’ont pas été faits ces dernières années risquent de porter en eux l’échec de l’industrie automobile britannique à l’avenir », craint M. Bailey.