Le phénomène a envahi la Toile depuis le début de l’année : le « ten years challenge » consiste pour les internautes à publier une photo d’eux aujourd’hui et une autre remontant à 2009. Et c’est fou ce qu’on peut changer en dix ans. Les supporteurs de l’Olympique lyonnais (OL) pourront s’amuser à ce petit jeu mardi 19 février pour leurs retrouvailles avec Lionel Messsi (31 ans) en huitième de finale aller de la Ligue des champions. En dix ans, l’Argentin est peut-être resté fidèle au FC Barcelone, mais l’homme et le joueur ont bien changé depuis ce huitième de finale aller (1-1) disputé à Gerland le 24 février 2009. La preuve par quatre.

  • L’ailier devenu machine à marquer

Lionel Messi a longtemps penché à droite. Un ancien joueur de l’OL a d’ailleurs été la première victime de cette inclinaison : en 2006, Ludovic Giuly est poussé sur le banc du Barça par l’Argentin qui porte encore en lui le football sauvage des rues de Rosario. Trois ans plus tard, Messi file toujours le long de la ligne, dribble, met au supplice ses gardes du corps d’un soir et pique dans l’axe pour faire parler son pied gauche. Contre Lyon, l’avant-centre s’appelle encore Samuel Eto’o. Mais Pep Guardiola a déjà une idée derrière la tête.

Le 1er mai 2009, Guardiola convoque Messi dans son bureau avant le choc contre le Real Madrid. « Demain, je veux que tu commences sur l’aile comme d’habitude, mais dès que je te ferai signe, tu prendras l’espace que je viens de te montrer. » Au bout de dix minutes, « La Puce » investit l’axe et le Barça roule sur son rival (6-2). Impossible de revenir en arrière.

Guardiola impose son protégé dans une position de faux avant-centre, pousse Eto’o vers la sortie et sacrifiera plus tard un Zlatan Ibrahimovic coupable de prendre trop de place. « Pourquoi joue-t-il à l’intérieur du jeu ? Parce que, pour moi, les meilleurs joueurs doivent évoluer au centre du terrain », théorise le Catalan. Au cœur du jeu et bénéficiant d’une liberté totale, Messi affole les statistiques et enchaîne des saisons entre 48 et 83 buts.

Même l’arrivée d’un avant-centre comme Luis Suarez, en 2014, ne remet pas en cause ce statut. Messi recule et opère comme un meneur de jeu, mais reste l’homme des finitions aidé par l’abattage d’un Suarez à son service. Moins sauvage mais plus clinique, le Messi 2019 est une version améliorée de celui de 2009.

  • Moins d’escalope milanaise et plus de légumes

On n’est pas toujours sérieux avec son assiette quand on a 20 ans. Le jeune Lionel a ainsi une conception assez lâche de l’hygiène de vie. Peu porté sur la préparation physique, à la différence d’un Cristiano Ronaldo, il mange surtout très mal tandis que son rival paye un cuisinier pour lui préparer des plats pesés au gramme près.

De son Argentine natale quittée à 13 ans, Messi a gardé des habitudes de carnivore. Adulte, il engloutit aussi un jour sur deux l’escalope milanaise préparée par sa maman. « Quand tu as 22 ou 23 ans, tu ne connais rien, tu n’y penses pas. Je mangeais du chocolat, des pâtisseries, des sodas », avouera-t-il.

Mais le corps n’oublie rien, l’attaquant enchaîne les petites blessures et vomit même parfois pendant les matchs. Très à cheval sur la nutrition, Pep Guardiola oblige son joueur à enfin adopter un régime alimentaire digne d’un sportif de haut niveau. Messi découvre des contrées alimentaires inconnues de lui, comme le poisson, les légumes, et arrête le soda. Il se couche aussi plus tôt, lui qui passait des nuits à regarder des matchs du championnat argentin. Beaucoup moins blessé qu’à ses débuts, il peut supporter ainsi des saisons à 65 matchs en moyenne.

Lionel Messi, tatoué, pendant la Coupe du monde 2018. / BENJAMIN CRÉMEL / AFP

  • « Hipsterisation » d’un footballeur

A côté de cette préparation dite invisible, il y a aussi ce qui saute aux yeux. En dix ans, le quintuple Ballon d’or est passé du look d’adolescent tombé du lit à celui d’un adulte de son époque avec barbe et tatouages.

A Gerland en 2009, Messi porte encore le cheveu mi-long à la limite du mulet et affiche un visage glabre. Dix ans plus tard, le trentenaire cache ses traits juvéniles derrière une barbe (pas loin du roux) plus ou moins épaisse selon les périodes. De long et plutôt brun, le cheveu est passé à la brosse et s’est éclairci. Bref, Messi est devenu un hipster comme un autre.

Mais pour définitivement tuer son image de gentil garçon, l’attaquant a laissé l’encre couler sur sa peau. On peut y voir l’influence des ses partenaires en sélection argentine, tous tatoués, à la notable exception de Javier Mascherano. Son avant-bras droit est désormais orné d’une fleur de lotus, d’une horloge et de la reproduction d’une rosace de la Sagrada Familia. Un look de bad boy mais on ne se refait pas, le fiston s’est aussi fait tatouer le visage de sa maman sur l’omoplate gauche.

  • Il est timide, mais se soigne (un tout petit peu)

« C’est plus difficile d’entendre Messi me répondre au téléphone que d’interviewer Dieu. » La phrase est signée de Diego Maradona lorsqu’il dirigeait l’Albiceleste entre 2008 et 2010. Si Lionel Messi devait être un bruit, il serait un silence. A l’école déjà, ses professeurs s’étonnent de ne jamais entendre le son de sa voix. Quand il est interrogé, il murmure une réponse à sa voisine chargée de répéter ses quelques mots à haute voix.

Devenu une star planétaire du football, le gamin de Rosario n’est pas devenu plus loquace et fuit les micros des journalistes. Pourquoi parler quand son talent raconte tout ? Dans l’intimité du vestiaire du Barça, le grand timide a pourtant pris confiance en lui et sait faire passer des messages. A sa façon.

Auteur d’une biographie en français Le Mystère Messi, Alexandre Juillard donne une autre vision du personnage : « Le gamin timide des débuts a pris conscience de son importance. Il est devenu incontournable dans le vestiaire, mais sans jamais intervenir de manière frontale. Quand il veut obtenir le départ d’Ibrahimovic, il envoie un texto à Guardiola. Et il l’obtient. » Le garçon recroquevillé sur lui-même est devenu un homme réservé mais influent.

Le contribuable a aussi été obligé de changer. En 2017, Messi était condamné pour fraude fiscale pour des irrégularités portant sur 4,16 millions d’euros sur des droits d’images perçus entre 2007 et 2009. A ce niveau-là, il obtient le match nul dans son éternel duel avec un Ronaldo lui aussi épinglé par le fisc espagnol.