Nicholas Hoag (au centre en blanc) lors d’un match entre le Paris Volley et Sète, à Coubertin, le 7 mai 2016. / GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

« Catastrophe économique », « arrêt de mort », « attitude suicidaire »… Yves Bouget, président du Tours volley-ball (TVB), ne mâche pas ses mots. Depuis le 12 octobre 2018 et le lancement de la saison, le championnat de France de volley (Ligue A) n’est plus diffusé sur la moindre chaîne de télévision, gratuite ou payante. Le contrat avec la chaîne L’Equipe, diffuseuse entre 2015 et 2018, n’a pas été renouvelé.

Pour certains clubs, à l’image du TVB, l’impact est terrible. Le plus gros budget du championnat (2,5 millions d’euros) constate une perte de recettes d’environ 15 %. Elle se chiffre à « quelques dizaines de milliers d’euros » pour le Chaumont volley-ball 52, d’après son président, Bruno Soirfeck.

« C’est la double peine, déplore Yves Bouget. La première au plus haut niveau : le sport, n’ayant plus de visibilité, ne peut plus trouver de partenaire institutionnel pour le porter. La seconde est économique, pour les clubs : on négocie avec des partenaires, et pour certains, une diffusion change énormément de choses. On leur a vendu ce qu’on n’a pas. »

« L’impact est plus important pour les clubs de haut de tableau que pour ceux de bas de tableau, nuance Alain Griguer, président du club de Nice et de la Ligue nationale de volley (LNV). Par exemple, la saison dernière, le club de Nice n’a été diffusé aucune fois. » En effet, lors de la saison 2017-2018, une affiche par journée était télévisée. Tous les clubs ne bénéficiaient pas de la même exposition, et ce sont généralement les têtes d’affiche qui étaient privilégiées.

Baisse de fréquentation

Sans diffuseur, le volley-ball redevient un sport plus confidentiel. La salle Robert-Grenon, l’antre du TVB dont la capacité frôle 3 000 places, connaît une baisse de fréquentation de 15 % depuis le début de la saison. « La diffusion, c’est un cercle vertueux, assure le président tourangeau. C’est le fait de voir des matchs à la télévision qui remplit les salles. »

Aujourd’hui, la spirale est négative, et c’est tout le volley français qui en pâtit. D’après les chiffres communiqués par Alain Griguer, la chaîne L’Equipe versait 250 000 euros par saison à la LNV pour obtenir les droits de diffusion de la compétition sur la période 2015-2018. Elle assumait également, elle-même, les coûts de production.

Ces droits, assez faibles, n’étaient pas reversés aux clubs mais permettaient d’« alléger les frais de la Ligue ». « Nous [les présidents de clubs] n’étions pas à la recherche de droits télé, mais simplement de diffusion », assure Didier Conjeaud, coprésident des Spacer’s de Toulouse.

Pour Bruno Soirfeck et Yves Bouget, la Ligue a été « trop gourmande » quant au montant des droits. « Notre ligue considérait que, comme tous les autres sports collectifs touchaient “beaucoup d’argent” par les diffuseurs, le diffuseur du volley devait donner un équivalent », poursuit le président du TVB.

Alain Griguer réfute et avance que la LNV a « proposé à BeIN Sports de diffuser gratuitement le championnat ». Ce que dément une source au sein de la chaîne : « Comme tout droit qui nous est proposé, nous devions évidemment fournir une offre financière. »

Du côté de la chaîne L’Equipe, on répond que le choix de non-reconduction des droits est dû à un changement de stratégie opéré à la rentrée 2018, en faveur notamment de la Ligue des nations de football, et au détriment de sports comme le volley. Le tout avec une contrainte de « budget constant ».

Lancement d’une Web TV

Face à l’absence de diffuseur, la Ligue a lancé sa nouvelle Web TV, baptisée LNV TV. En payant 24,99 euros, les amateurs ont accès aux rencontres des championnats masculin et féminin.

Mais pour les présidents interrogés, cela relève du fiasco. « On ne l’a pas testée avant le début de la saison, donc ça n’a pas fonctionné pendant deux mois », s’agace Yves Bouget. « On a su une semaine avant [le début de la saison] qu’il allait y avoir une Web TV, rien n’avait été préparé en amont, tout le monde a été mis devant le fait accompli », abonde son homologue toulousain, Didier Conjeaud.

« On a eu un souci avec le premier opérateur, et on a changé de plate-forme, parce que ça ne fonctionnait pas. On a encore quelques petits soucis qu’on est train de régler dans des salles qui ont une connexion Internet de mauvaise qualité. Mais aujourd’hui, on est au top de la qualité », répond le président de la Ligue, qui ne souhaite pas donner de chiffres à ce jour : « On a des objectifs, mais on verra ça l’année prochaine. »

« S’ils arrivent à 5 000 abonnés, ça sera déjà une magnifique réussite », ironise le président tourangeau.

« Amicale bouliste »

Cette absence de diffuseur exacerbe les tensions entre certains clubs – dont le TVB et Chaumont – et la présidence de la Ligue, comme le révélait L’Equipe en novembre 2018. Les présidents de Tours, Toulouse et Chaumont notamment parlent d’une certaine « inertie » de la LNV.

Yves Bouget n’hésite pas à la qualifier d’« amicale bouliste » et à souligner « l’amateurisme ». Son homologue chaumontais critique, lui, une « absence de stratégie et de business plan ». « De l’amateurisme ? C’est facile à dire, mais qu’ils se présentent, riposte Alain Griguer. Jouer dans des salles qui sont inadaptées, ce qui a quand même beaucoup gêné au niveau de la diffusion TV, est-ce que c’est professionnel ? Je pose aussi la question. »

Elu en 2016 pour quatre ans, le patron de la Ligue confie s’être attelé à « rétablir les finances de la Ligue » en priorité. « On met en place une nouvelle stratégie », lance-t-il sans en dire plus. Récemment, un directeur commercial et marketing a été engagé. Ce qui devrait contribuer à promouvoir le volley en France. Et pourrait peut-être aider à retrouver un diffuseur.