Aux Etats-Unis, où les révélations sur les scandales de pédophilie au sein de l’Eglise se succèdent depuis le début des années 2000, la rencontre organisée au Vatican à partir du jeudi 21 février par le pape François sur « la protection des mineurs » laisse sceptiques nombre de croyants. Dans le pays, où les catholiques représentent 20 % de la population, des séries de mesures ont été prises depuis près de vingt ans par les évêques américains après les révélations du Boston Globe dans la région de Boston (Massachusetts) en 2002.

Sous pressions des victimes, l’institution a assuré à plusieurs reprises avoir changé ses pratiques dans la gestion des prêtres coupables de pédophilie. Une charte pour la protection des enfants et des jeunes, adoptée en 2002 par la Conférence des évêques, prévoit la dénonciation obligatoire des faits aux autorités civiles, la suspension du présumé coupable de ses fonctions, l’accueil et l’écoute des victimes…

Plus récemment, les diocèses ont publiquement identifié des centaines de prêtres coupables d’abus sexuels, le rôle de la justice civile a été accru, des enquêteurs ont exigé des autorités religieuses l’accès à des dossiers personnels… Plus de trois milliards de dollars ont été versés par les diocèses aux victimes, aux termes d’arrangements plus ou moins confidentiels. Plusieurs diocèses ont dû se déclarer en faillite à la suite de ces accords, qui évitent les procès publics.

Une « réponse globale »

A nouveau secoués par les conclusions d’une enquête menée en Pennsylvanie en 2018 qui faisait état d’abus sexuels perpétrés sur un millier d’enfants par plus de 300 « prêtres prédateurs » entre 1940 et 2010, les évêques américains ont proposé de nouvelles mesures dès septembre, notamment la mise sur pieds d’une commission enquêtant sur les plaintes à l’encontre des évêques ayant couvert les prêtres pédophiles, une demande pressante des catholiques américains, lassés des scandales à répétition et soucieux de voir la hiérarchie également sanctionnée.

Mais elles ont été rejetées quelques semaines plus tard par le Vatican, qui a plaidé pour une « réponse globale » dans l’attente du sommet de cette semaine, semant le désarroi chez les catholiques américains. Aussi, peu attendent de la rencontre « un vrai tournant » dans la gestion de ces faits par Rome, selon la radio publique NPR.

Le 16 février, la mise à l’écart de l’état clérical du cardinal Theodore McCarrick, ex-archevêque de Washington, reconnu coupable d’agressions sexuelles sur mineurs lorsqu’il était prêtre, a néanmoins rassuré une partie des fidèles. Pour la hiérarchie catholique locale, cet acte rarissime, quoique tardif, a « souligné la gravité de la situation ». Le successeur de McCarrick à Washington, le cardinal Donald Wuerl, en fonction en Pennsylvanie durant dix-huit ans, et accusé d’avoir fermé les yeux sur les méfaits des prêtres, avait lui démissionné en octobre. La revue jésuite America s’interrogeait alors : « qui sera le suivant ? ».

A la veille de la rencontre de cette semaine, un éditorial, notant des attentes « peut-être trop hautes » de la part des catholiques américains, plaidait pour que l’Eglise prenne des mesures garantissant que « ni les évêques ni les cardinaux ne sont au-dessus de la loi ».

Pédophilie dans l’Eglise : comprendre l’ampleur de la crise
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