Trader au New York Stock Exchange / BRENDAN MCDERMID / REUTERS

Pour les marchés, 2018 était une année de transition, parfaitement annoncée. C’est-à-dire une transition du meilleur des mondes de 2017 quand l’économie globale était en pleine expansion accompagnée de politiques monétaires toujours extraordinairement accommodantes, vers une nouvelle étape dont on savait qu’elle serait caractérisée par le début d’un ralentissement économique global, accompagné d’un durcissement des politiques monétaires. Il était donc prévisible que les investisseurs fussent beaucoup moins à leur affaire que l’année précédente.

Comme souvent, les marchés choisirent d’ignorer complètement cette transition dans un premier temps, durant les premières semaines de janvier, puis se mirent à douter quelque mois pour finalement paniquer en fin d’année quand la transition devint évidente. 2018 a donc été une année de fortes inflexions de ses principaux moteurs, la politique monétaire et le cycle économique. Ces dynamiques rentrèrent en collision et provoquèrent très justement une correction des marchés.

Pas de l’hubris

Le rebond des marchés en ce début 2019 est ainsi très normal lui aussi, conforme à ce qu’il advient généralement après un mouvement de panique. En ce sens il est d’une nature très différente du mouvement de hausse des premières semaines de 2018. Ce n’est pas de l’hubris mais du retour au calme. Quant au reste de l’année 2019, il ne sera nullement affecté par un quelconque télescopage entre cycle monétaire et cycle économique. En effet de part et d’autre de l’Atlantique, les banques centrales ont épuisé en 2018 les faibles marges de manœuvre dont elles disposaient pour infléchir leurs politiques.

En Europe, la banque centrale européenne est parvenue à mettre fin à son programme d’achats d’actifs, et est ainsi revenue à une politique monétaire conventionnelle, reposant sur des taux d’intérêts directeurs dont elle reconnaît qu’ils demeureront très bas encore longtemps. Aux Etats-Unis, la force de la collision décrite précédemment a obligé la Fed au tournant de l’année à renoncer à son ambition de pousser plus loin son mouvement de durcissement monétaire. Il n’est plus question pour l’instant de poursuivre la hausse des taux menée l’an passé, et la fin du mouvement de réduction de la taille du bilan de la Fed (autrement dit du détricotage du fameux « quantitative easing ») est déjà pré-annoncée pour la fin d’année. Autrement dit 2018 fut marquée par un changement majeur de politique monétaire, 2019 ne le sera pas. Reste la question du cycle économique.

Le ralentissement économique global entamé l’an passé devrait logiquement se poursuivre cette année. Il en serait autrement si des politiques de relance vigoureuse pouvaient être mises en œuvre. Mais elles ne sont disponibles à peu près nulle part.

Soutien de l’économie

Aux Etats-Unis, le déficit budgétaire atteint déjà 5 %, et les tensions politiques entre le Congrès et l’Administration Trump n’augurent guère d’un grand accord de relance fiscale. En Chine, l’arme de l’endettement en soutien de l’économie a déjà été excessivement sollicitée, et la pression des négociations commerciales avec les Etats-Unis ferme l’option d’une dévaluation compétitive. Quant à l’Europe, seule l’Allemagne dispose d’une réelle marge de manœuvre budgétaire, qu’elle n’est toujours pas disposée à mobiliser significativement. Enfin, l’Europe ne dispose toujours pas d’un budget qui puisse pallier les contraintes des budgets nationaux. Il s’ensuit le scénario central d’un ralentissement économique général, que les marchés ont bien compris, accompagné de banques centrales de nouveau durablement accommodantes.

En dehors de chocs externes toujours possibles (« hard-Brexit », envenimement des relations sino-américaines, dérapage politique en Italie, etc.), les marchés d’actions ne devraient par conséquent en 2019 pas être le théâtre de points d’inflexion majeurs comme ils le furent en 2018, sauf si le ralentissement prenait soudainement la forme d’une récession, que, rappelons-le, aucun pays ou à peu près ne peut se permettre du fait des contraintes d’endettement. Surveillons donc le cycle économique comme le lait sur le feu, et en attendant, au contraire de l’an passé, place à la sélection de valeurs plutôt qu’aux grands choix directionnels.

Didier Saint Georges (membre de comité d’investissement de Carmignac)