Editorial du « Monde ». Un coup mortel vient d’être porté au paritarisme. Ce système garantit aux partenaires sociaux – organisations syndicales et patronales – une autonomie de gestion pour plusieurs branches de la protection sociale, qu’il s’agisse des retraites complémentaires ou de l’assurance-chômage. Cette dernière, l’Unédic, créée en 1958, à une époque où il y avait peu de chômeurs, est soumise à un régime de liberté surveillée. L’Etat doit obligatoirement agréer les conventions négociées par les gestionnaires qui fixent les conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

Entamée en novembre 2018, en vue d’élaborer une nouvelle convention qui entrera en vigueur en 2020, la négociation a capoté mercredi 20 février. Il est vrai que, dans sa feuille de route, le gouvernement sommait l’Unédic de s’administrer une véritable potion amère, en réclamant, face à une dette accumulée de plus de 30 milliards d’euros, de 3 milliards à 3,9 milliards d’euros d’économies en trois ans.

Cette ordonnance prévoyait d’une part un système de bonus-malus, pénalisant les entreprises qui abusent de contrats courts – une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, contre laquelle le patronat est vent debout –, et d’autre part de faire accepter aux syndicats une réduction des prestations versées aux chômeurs, et notamment une baisse de l’indemnité maximale.

Une forme de nationalisation

Le 28 janvier, le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P), heurtés par une intervention du chef de l’Etat réaffirmant sa volonté d’instaurer un bonus-malus, avaient déserté la table des négociations, avant d’y revenir sous la pression du premier ministre. Mais l’échec des discussions était au bout du chemin.

L’Etat va donc prendre la main et décider par décret des contours de la future convention. C’est une forme de nationalisation de l’Unédic, correspondant au souhait de M. Macron exprimé pendant sa campagne, avant qu’il fasse marche arrière. Michel Beaugas (FO), lui, parle d’« un paritarisme d’Etat ».

Une telle intervention étatique n’est pas une première. Le 24 novembre 1982, Pierre Bérégovoy, ministre des affaires sociales, devant l’incapacité des partenaires sociaux à s’entendre, avait pris un décret qui avait accentué les inégalités de traitement entre chômeurs, ce qui avait donné naissance à ce qu’on avait appelé « les nouveaux pauvres ».

Muriel Pénicaud promet une concertation

En 2001, le gouvernement de Lionel Jospin avait refusé d’avaliser la convention qui instituait le plan d’aide au retour à l’emploi (PARE), un vrai changement culturel, toujours en vigueur, qui liait le versement d’une allocation à l’engagement du chômeur à rechercher activement un emploi,avant de trouver un compromis avec les gestionnaires.

L’échec de cette négociation, au moment où, avec la crise des « gilets jaunes », le besoin de redonner un rôle-clé aux corps intermédiaires se fait plus que jamais sentir, est une très mauvaise nouvelle. Même si certains syndicalistes ne sont pas mécontents de laisser la puissance publique faire le « sale boulot », en rognant les droits des chômeurs, et en assumer seule l’impopularité, quand le dialogue social tourne court, il n’y a que des perdants.

Muriel Pénicaud, la ministre du travail, a désormais la redoutable tâche de se substituer aux syndicats et au patronat pour bâtir une nouvelle convention. Elle a promis une concertation. C’est le minimum qu’elle puisse faire si elle ne veut pas signifier aux partenaires sociaux, que M. Macron a cru bon de critiquer, qu’on peut se passer d’eux.