Emmanuel Macron en visite au Salon de l'agriculture, à Paris, le 23 février. / CHARLES PLATIAU / REUTERS

Pas de gilets jaunes en vue. Emmanuel Macron a inauguré dans le calme le Salon de l’agriculture, samedi 23 février, à la Porte de Versailles à Paris, sa première sortie publique depuis le début de la crise, hormis quelques débats très organisés. Eric Drouet, l’une des figures du mouvement, est reparti comme il était venu, sans avoir pu rencontrer le chef de l’Etat. Mais le monde agricole a réservé à ce dernier un accueil des plus bienveillants.

Nul chahut, nulle invective, encore moins d’insultes, mais des vivats et des bravos de la part d’un secteur économique dont de grands pans restent pourtant en souffrance. Il est vrai que son discours inaugural, à trois mois des élections européennes, s’est employé à rassurer, à montrer qu’il était aux commandes d’une politique volontariste, au sein de la première puissance agricole mondiale formée par les Vingt-huit.

Face aux chocs répétés que subit l’agriculture de la part de pays comme la Russie ou la Chine, M. Macron n’a qu’une réponse : l’Europe, dont les membres doivent se comporter en « partenaires, non en concurrents ». Le vrai risque ? « Devenir dépendants des engrais phosphatés russes pour notre production », a-t-il cité en guise d’exemple. « Sans la PAC (en cours de renégociations), a martelé le chef de l’Etat, les consommateurs ne bénéficieraient pas d’une alimentation sûre et de qualité. »

Le président s’est également montré net sur le très controversé glyphosate, après avoir assuré, le 25 janvier, que l’on n’en sortirait pas en trois ans, comme prévu : « On n’y arrivera pas. » Un mois plus tard, et après avoir salué l’engagement des jeunes pour l’environnement et la planète, M. Macron a vu dans la sortie du glyphosate « l’opportunité pour plusieurs filières d’évoluer » et même affiché l’ambition de faire de la filière viticole française la première au monde sans ce pesticide.

Avant de s’attarder longuement auprès des éleveurs, touchés par la crise de la viande et du lait, puis de voir systématiquement chaque secteur, le président a profité avec un plaisir visible des interpellations du public : « Bravo, monsieur le président, ne lâchez rien », « Vous êtes très courageux », « Merci », ont lancé plusieurs dizaines de personnes comprimées derrière des barrières métalliques. L’intéressé est allé leur serrer la main - et discuter avec décontraction quelques minutes pour les plus chanceux.

« Vous devez obéir »

La presse, elle, prenait son tour, une heure par « pool », à condition d’avoir réussi à franchir un triple barrage composé de jeunes policiers à peine polis, de fonctionnaires (courtois) de la préfecture de police et du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), sur les dents. Il fallait y ajouter un cercle de conseillers de l’Elysée, parmi lesquels Sibeth Ndiaye, qui s’adressait aux journalistes sur un mode fait d’injonctions et de menaces : « Vous devez obéir », « Si vous n’êtes pas contente, je vous sors du pool ».

Yves Chassany, 50 ans, président de la race Aubrac, a, lui, rappelé au chef de l’Etat le « bon moment » qu’ils avaient passé l’an dernier au Salon et l’a invité à venir voir ses solutions locales jouant sur la complémentarité : « Si l’on a des éleveurs de qualité, c’est plus facile de développer le tourisme, de mettre les urbains au vert », soutient-il. Dominique et Edith Mack, éleveurs de Rouges flamandes, ont attiré son attention sur l’inégalité des cahiers des charges en Europe et la différence des coûts de production. Ils vendent leur lait 340 euros les 1 000 litres et y trouvent à peine leur compte. Edith Mack est restée épatée de sa discussion, technique, avec M. Macron. « Il est vachement à l’écoute. On voit qu’il connaît les dossiers. C’est un président aux affaires, il ne fait pas que serrer des mains », a-t-elle conclu.

Deux activistes vegan, en repérage au beau milieu de boxes garnis de bœufs considérables, montraient volontiers sur leur téléphone portable leur dernier coup d’éclat : libérer les poules d’un élevage industriel où elles étaient entassées par milliers. L’un d’eux, Amadeus VG Humanimal, son pseudo, se félicitait du soutien du rappeur Stomy Bugsy dans cette action, visible sur une vidéo diffusée sur la Toile qui a récolté 3,7 millions de vues en deux jours. Ils envisagent un nouveau coup « sans violence » pour la fin du Salon qui fermera ses portes le dimanche 3 mars.

Le Pen et Dupont-Aignan dénoncent des « mensonges » de Macron sur l’agriculture

Marine Le Pen a dénoncé, samedi 23 février, des « mensonges éhontés » d’Emmanuel Macron au Salon de l’agriculture, notamment sur la politique agricole commune (PAC). « Durant une heure ce matin, le président de la République a tour à tour enfilé généralités, bonnes intentions, approximations et mensonges éhontés », a affirmé la présidente du Rassemblement national dans un communiqué. Pour Marine Le Pen, il s’est « bien gardé d’expliquer que son grand projet de PAC ambitieuse est en totale opposition avec la réforme actuelle portée par Berlin et Bruxelles » qui vise, a-t-elle affirmé, « à transférer plusieurs milliards d’aides agricoles vers un budget dédié à la gestion des flux migratoires ».

Le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a lui aussi estimé que le chef de l’Etat « a prononcé l’un de ses discours les plus mensongers et scandaleux de son quinquennat ». Il lui a notamment reproché dans un communiqué d’avoir martelé « la propagande d’une Union européenne qui détruit avec sa complicité l’agriculture française en prétendant la protéger ».