Le plaignant affirme avoir usé abondamment du Roundup pour désherber sa propriété depuis les années 1980 jusqu’en 2012. / Benoit Tessier / REUTERS

Le célèbre désherbant Roundup de Monsanto, accusé par ses détracteurs d’être cancérigène, se retrouve de nouveau en procès à partir de lundi 25 février aux Etats-unis, six mois après un premier procès historique intenté – et gagné – par un jardinier malade, Dewayne « Lee » Johnson. Le plaignant, Edwin Hardeman, est atteint d’un lymphome non hodgkinien – un lymphome du même type que celui de M. Johnson.

Cet habitant du comté de Sonoma, au nord de San Francisco, affirme avoir usé abondamment du Roundup pour désherber sa propriété depuis les années 1980 jusqu’en 2012, selon ses avocats. Il a porté plainte contre Monsanto début 2016, un an après avoir été diagnostiqué.

Selon la plainte, le géant agrochimique (désormais propriété de l’allemand Bayer) « savait ou avait les éléments pour savoir que le Roundup était défectueux et non sûr » et qu’il pouvait « entraîner le cancer ou d’autres maladies ou blessures graves ». « L’information que Monsanto a fournie (…) ne contenait pas les avertissements et précautions adéquats qui auraient permis à M. Hardeman (…) d’utiliser le produit de façon sûre », ajoutent les avocats du plaignant, qui accusent aussi la firme « d’avoir diffusé des informations erronées, fausses et trompeuses ».

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Monsanto, qui vend du Roundup dans le monde entier depuis plus de quarante ans, s’en tient toujours à sa ligne de défense : ses produits ne sont pas dangereux si on respecte les conditions d’utilisation, et des centaines d’études scientifiques le prouvent.

Procès fédéral

Ce nouveau procès, organisé également à San Francisco, est le premier à s’ouvrir au niveau fédéral américain, l’affaire Johnson étant restée au niveau de la Californie. Il est juridiquement lié à ces centaines d’autres contre le Roundup à travers les Etats-Unis (un même juge a supervisé les procédures avant de renvoyer chaque affaire à sa juridiction) intentés par des plaignants qui accusent eux aussi le désherbant d’avoir causé leur cancer. Sans qu’il s’agisse d’une action en nom collectif (class action) puisque les procès seront distincts, le jugement qui sortira de celui-ci donnera un signe important aux autres juridictions et servira de « test ».

Le précédent du procès Johnson devrait aussi bien sûr être dans toutes les têtes pendant ces débats, qui devraient durer quatre à cinq semaines. En août, un jury populaire avait condamné Monsanto à verser 289 millions de dollars de dommages compensatoires et « punitifs », estimant que son produit avait considérablement contribué à la maladie du plaignant et qu’il avait sciemment omis d’avertir des risques.

Ce verdict historique – il s’agissait du premier procès contre le Roundup – avait suscité une avalanche de réactions à travers le monde. En octobre, une juge avait toutefois réduit ces sommes à 78,5 millions de dollars, estimant la décision du jury disproportionnée, mais sans revenir sur le fond du verdict, pour lequel Bayer a fait appel.

Un procès en deux temps

A la demande de Bayer, le procès Hardeman se déroulera en deux temps : une première phase tentera de déterminer si le Roundup est responsable du cancer du plaignant. Si le jury estime que c’est le cas, il devra décider si oui ou non Monsanto a une responsabilité (parce qu’il aurait connu mais caché les risques) et, si oui, quels sont les dommages et intérêts à verser. Pour le juge, la scission des débats est censée aider le jury à décider de la responsabilité éventuelle du produit, sans être influencé par la réputation de Monsanto, qui a une image plus que controversée dans le monde, accusé notamment d’avoir manipulé des études. C’est donc pendant la première phase que les deux parties s’opposeront à coup d’études scientifiques complexes, la défense affirmant qu’elles prouvent l’innocuité du glyphosate, le plaignant assurant qu’elles sont biaisées et ne prouvent rien.

Plébiscité par les cultivateurs pour son efficacité et son faible coût, le glyphosate fait particulièrement polémique en Europe et notamment en France. Pour rajouter à la complexité du sujet, la molécule fait l’objet de décisions contradictoires à travers le monde. Si le glyphosate est classé « cancérigène probable » depuis 2015 par une branche de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il ne fait pas l’objet d’une classification particulière par l’agence fédérale américaine de protection de l’environnement (EPA) et par les agences européennes EFSA (sécurité des aliments) et ECHA (produits chimiques).

Un nombre croissant d’organisations militent pour son interdiction. La France s’était d’ailleurs engagée à sortir du glyphosate d’ici à 2021, mais Emmanuel Macron a rouvert ce dossier jeudi 24 janvier. Ce jour-là, le président de la République était invité à un débat citoyen à Bourg-de-Péage (Drôme). Il a alors déclaré que la France ne parviendrait pas à se passer totalement de cet herbicide controversé d’ici trois ans. « Je sais qu’il y en a qui voudraient qu’on interdise tout du jour au lendemain. Je vous dis : un, pas faisable, et ça tuerait notre agriculture. Et même en trois ans on ne fera pas 100 %, on n’y arrivera (…) pas », a-t-il affirmé.

En quoi le glyphosate pose-t-il problème ?
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