Arte, mardi 26 février à 22 h 25, documentaires

Alors que se profilent le Brexit et son flou peu artistique, l’Irlande se retrouve en première ligne. Va-t-on revenir à des postes de contrôle entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord ? Cette simple évocation fait frémir tous les intervenants qui apparaissent dans ce documentaire. La plupart ont voté contre le Brexit, d’autres en sa faveur. Certains sont catholiques, d’autres protestants. Mais personne ne souhaite le retour d’une frontière en dur.

« De toute façon, cette frontière a été dessinée de manière approximative, on peut la traverser à plein d’endroits. Elle a toujours été une passoire, même au temps des troubles ! », se rassure John Sheridan, éleveur en Irlande du Nord et adversaire du Brexit. « Je me souviens parfaitement de l’époque où l’on ne vendait rien ! L’Europe nous a apporté un marché. » En 2016, 56 % des électeurs nord-irlandais ont voté contre le Brexit. « Notre paix est fragile. L’Europe nous a apporté une neutralité nécessaire », résume un témoin qui se souvient des drames survenus dans ces paysages frontaliers verdoyants.

Depuis une vingtaine d’années, les 499 kilomètres de frontière entre Nord et Sud sont paisibles. On la passe sans même s’en rendre compte. Plus de bombes, d’attentats, de contrôles armés. Les 270 points de passage officiels et tous les autres, plus discrets, sont traversés chaque mois par un million de personnes. Certains travaillent au Nord et vivent au Sud, ou inversement. Certains champs cultivés se trouvent à la fois au Nord et au Sud. Et pour toutes et tous, agriculteur, pêcheur, éleveur, employée d’une compagnie de ferrys, il est hors de question de revenir à une frontière pure et dure.

Des photos pour l’histoire

Le second documentaire fait parler dix photographes qui ont couvert les pires moments de l’histoire irlandaise contemporaine. Comment de jeunes reporters-photographes locaux, travaillant pour le Belfast Telegraph, The Irish News ou d’autres titres, couvrant habituellement les événements artistiques, sportifs ou mondains, se sont-ils transformés, du jour au lendemain, en reporters de guerre dans un décor qui était celui de leur quotidien ? Ces témoins de première ligne racontent leur métier, et l’émotion est palpable.

« Pendant longtemps, j’ai cru que j’avais perdu ma propre humanité », révèle Alan Lewis. « Notre bouclier, c’était notre appareil photo ! », souligne un autre. Tous, de Tom Lawlor à Stanley Matchett en passant par Trevor Dickson, Paul Faith, Martin Nangle, Frankie Quinn, Sean O’Hagan, Crispin Rodwell et Hugh Russell, évoquent des souvenirs précis et montrent quelques-uns des clichés les plus évocateurs de l’époque. « Lors des émeutes, l’IRA nous laissait travailler au milieu de ses militants. Les républicains étaient avides de couverture médiatique. Du côté loyaliste, on était au contraire très méfiant », se rappelle un témoin.

Tous les jours, un attentat, un enterrement, un événement sortant de l’ordinaire. « Il y a beaucoup de photographes compétents. Mais le très grand photographe, c’est celui qui, au beau milieu du chaos, a l’œil assez exercé pour isoler un élément, un détail qui va résumer l’ensemble », estime Tom Lawlor. A en juger par les clichés présentés dans ce documentaire, d’une force émotionnelle inouïe, ces dix photographes sont de très grands professionnels.

Irlande, frontière du Brexit, de Darragh Byrne et Richard Curran (Fr.-Irl., 2019, 65 min), www.arte.tv/irlande-frontiere-du-brexit suivi à 23 h 30 de Irlande du Nord : des photos qui ont marqué l’histoire, de Tom Burke (Irl., 2018, 52 min), www.arte.tv/fr/videos/080946-000-A/irlande-du-nord