Ils sont 54 en France et 2 033 dans le monde. Anciens collaborateurs du régime d’Adolf Hitler ou enrôlés de force, tous perçoivent une pension pour leur action au sein du régime nazi, a indiqué le ministère du travail allemand. Versées en vertu d’une loi allemande de 1951, qui permet aux victimes de guerre allemandes de toucher une indemnité, ces pensions vont jusqu’à 1 300 euros mensuels environ. Les ex-membres de la SS en sont exclus, tout comme toute personne condamnée pour crimes de guerre.

1 532 des bénéficiaires vivent en Europe : ils sont 573 bénéficiaires en Pologne, le pays le plus représenté. Suivent la Slovénie (184), l’Autriche (101), la République tchèque (94). Quelque 54 personnes la perçoivent en France, 34 en Grande-Bretagne, 71 en Croatie ou 48 en Hongrie. En Afrique, le nombre de bénéficiaires s’élève à 13, dont 9 en Afrique du Sud et 4 en Namibie. Les Etats-Unis comptent sur leur sol 250 bénéficiaires, devant le Canada (121), le Brésil (18) et l’Argentine (8). L’Asie, elle, en compte une trentaine, dont 12 en Thaïlande. Enfin, 44 personnes la touchent en Australie.

« Un dispositif fourre-tout »

En Belgique, la nouvelle a suscité de vives réactions. Le quotidien flamand De Morgen a révélé, dès le 19 février, le versement toujours actuel de cette prime pour « fidélité, loyauté et obéissance », promise par Adolf Hitler en 1941.

Les députés belges ont adopté, mardi, une résolution visant à mettre fin au versement de ces pensions qui concernent encore une vingtaine de personnes. L’Etat belge ne connaît pas le nombre des personnes qui ont bénéficié de cette pension et encore moins leurs noms, l’Allemagne ne lui ayant jamais communiqué cette liste. A l’occasion d’une audition devant la Chambre des représentants en 2017, l’ambassadeur d’Allemagne en Belgique à l’époque, Rüdiger Lüdeking, a affirmé que 27 personnes en Belgique touchaient encore cette pension.

En France, la secrétaire d’Etat aux anciens combattants, Geneviève Darrieussecq, a fait savoir au micro d’Europe 1, mardi 26 février, qu’elle préférerait « que nous puissions avoir l’identité de ces personnes, afin de ne pas lancer de polémiques inutiles ou, au contraire, de dire notre désaccord s’il y a lieu de le dire ». « Je ne veux ni accuser ni excuser », ajoute-t-elle. « L’Office national des anciens combattants, qui verse les pensions aux soldats et anciens combattants français, ignorait totalement ce versement allemand », précise la ministre. « Les lois sont souvent complexes et multiples. J’ai lu cette loi hier [lundi], elle ne s’adresse pas qu’aux soldats mais aussi aux civils. C’est une loi d’allocation pour des blessures et, quelques fois, des blessures qui n’interviennent pas dans des périodes de guerre. C’est un dispositif fourre-tout », a relevé Geneviève Darrieussecq.

« Je suis choqué. Cela a échappé à l’attention de tous que l’Allemagne démocratique manifeste sa reconnaissance pour ceux qui ont combattu dans l’armée nazie ! » s’est indigné, de son côté, l’avocat Serge Klarsfeld, qui traque depuis des décennies les responsables de la Shoah. « Peut-être que des collaborateurs dont le nom est honni touchent des pensions. Mais, à mon avis, ce n’est pas eux qui sont en cause, c’est plutôt l’Allemagne qui verse des pensions à des gens qui ont, par idéologie ou par appât du gain, coopéré au service du mal. Ce qui est scandaleux », poursuit-il.

« Interdire » les pensions

Berlin se retranche derrière le principe de la protection des données personnelles. Le ministère compétent, le ministère fédéral du travail, contacté par Europe 1, renvoie sur les régions, les Länder, qui versent ces pensions en vertu d’une loi allemande de 1951, qui permet aux victimes de guerre allemandes de toucher une indemnité. Depuis 2008, la loi permet aux Länder qui versent ces retraites de les suspendre. Mais cette possibilité a été peu utilisée, selon des données de 2017 du gouvernement fédéral allemand.

Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a, de son côté, affirmé samedi qu’il allait solliciter les autres présidents des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale pour faire « interdire » en France le versement de ces pensions.