Lors de leur première rencontre à Singapour, le 12 juin 2018, Kim Jong-un et Donald Trump, qui se retrouvent à Hanoï mercredi 27 février pour un sommet de deux jours, s’étaient fixé quatre objectifs :

  • poursuivre le réchauffement des relations intercoréennes
  • conforter une paix durable
  • parvenir à la « dénucléarisation complète de la péninsule coréenne »
  • permettre le retour des restes de soldats américains tombés lors de la guerre de Corée (1950-1953) présents sur le territoire nord-coréen.

Les deux dirigeants s’étaient engagés à y œuvrer « pleinement et rapidement ».

Même si cinquante-cinq urnes funéraires contenant certains de ces restes ont bien été transférées en juillet vers la base américaine d’Osan, en Corée du Sud − étape préalable à de longs travaux d’identification qui seront conduits à Hawaï −, le rythme des échanges entre Washington et Pyongyang a marqué le pas dans les mois qui ont suivi.

Plus question de date

Exagérément optimiste après une première rencontre historique, le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, avait fixé à la fin du mandat en cours de Donald Trump, en janvier 2021, le terme de la dénucléarisation de la Corée du Nord. Il n’est plus question de date désormais pour un processus qui, dans le meilleur des cas, s’étendra sur une décennie selon les experts de ce dossier.

Mike Pompeo a d’ailleurs retardé aussitôt sa visite en Corée du Nord, initialement prévue en août. Sur Twitter, le président des Etats-Unis avait justifié cette décision en assurant avoir « le sentiment que nous ne [faisions] pas suffisamment de progrès en ce qui concerne la dénucléarisation de la péninsule coréenne ». Cette visite ne s’est finalement tenue qu’en octobre. Le secrétaire d’Etat a déclaré à cette occasion que le régime de Pyongyang était disposé à autoriser des inspections de sites liés à son programme nucléaire, sans que cette estimation se concrétise. Un entretien de Mike Pompeo avec le plus haut responsable du régime pour ce dossier, Kim Yong-chol, a également été annulé en novembre.

Fossé d’expertise

Nommé en août pour accompagner la nouvelle dynamique diplomatique, l’envoyé spécial de Donald Trump pour la Corée du Nord, Stephen Biegun, a tardé avant de pouvoir nouer un contact avec le régime nord-coréen. L’homologue avec lequel il a préparé le sommet de Hanoï, Kim Hyok-chol, n’a été nommé qu’au début de l’année. Il n’avait pas été identifié comme tel lorsqu’il avait accompagné Kim Yong-chol pour sa seconde visite à la Maison Blanche (après celle de 2018) en janvier. C’est au cours de cette visite que le principe d’un second sommet, avant la fin du mois de février, avait été acté.

Un fossé d’expertise sépare par ailleurs les deux équipes. Kim Hyok-chol participe depuis plus d’une décennie aux négociations sur le nucléaire nord-coréen. Il comptait déjà parmi les négociateurs de Pyongyang lors des pourparlers à six (Etats-Unis, Corée du Nord, Corée du Sud, Japon, Chine, Russie) au début du siècle. Stephen Biegun ne disposait d’aucune expérience sur le sujet lorsqu’il a été nommé. Contrairement à Andrew Kim, ancien chef de station de l’Agence centrale de renseignement (CIA) à Séoul, qui avait participé aux préparatifs du sommet de Singapour, mais qui a pris sa retraite à la fin de l’année 2018.

Si le sommet de Singapour n’a donc pas enclenché une dynamique à la hauteur des attentes qu’il avait générées, il s’est néanmoins accompagné de deux résultats tangibles, l’un crucial et l’autre plus anecdotique : le régime nord-coréen n’a pas procédé depuis juin au moindre essai nucléaire et balistique qui remettrait immédiatement en cause le fragile édifice. Enfin, comme pour compenser l’absence de substance, Donald Trump n’a cessé de multiplier les déclarations chaleureuses à l’égard de Kim Jong-un, qualifié d’« ami » dans un message publié sur le compte Twitter du président, mercredi 27 février, à quelques heures de leurs retrouvailles.